Publié le 10 août 2021
ENVIRONNEMENT
Ces scandales qui ont changé le monde : le glyphosate, du rêve au cauchemar
Il est redoutablement efficace. Le glyphosate a permis à des millions d'agriculteurs de gagner du temps en pulvérisant sur leurs champs un produit capable d'éliminer toute la végétation indésirable en un tour de main. Devenue une référence dans le monde entier à travers le Roundup, le glyphosate est pourtant tombé de son piédestal. Toute la semaine, Novethic revient sur des scandales ayant poussé les industriels à changer de technologie.

@Alexandros Michailidis/SOOC
C’est l’herbicide le plus connu dans le monde. Le glyphosate, breveté et commercialisé en 1974 par Monsanto, est capable de détruire toute forme de végétation. Utilisé comme agent actif du Roundup, le pesticide phare du groupe américain, le glyphosate séduit vite les agriculteurs. Cette recette miracle à pulvériser sur les champs sans avoir à cibler les mauvaises herbes fait gagner un temps précieux. Très vite, l’utilisation du Roundup explose. Les cultures elles-mêmes commencent à ne plus résister à cet herbicide total. Monsanto développe alors des plantes résistantes baptisées "Roundup Ready".
Avec son prix très attractif, le pesticide se répand dans les champs du monde entier. Tombé dans le domaine public en 2000, il devient le plus vendu de la planète, les agriculteurs en sont accros. "Cela fait 22 ans que je ne laboure plus, c'est un vrai gain de temps en mécanisation, en consommation de gasoil, et on stocke du carbone dans les matières organiques qui restent en surface", témoigne Thierry Moreau, éleveur laitier, dans un reportage de France 3. Mais un caillou vient enrayer la machine si bien huilée qui rapporte des profits considérables à Monsanto.
Une réautorisation sous haute tension
En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l'Organisation mondiale de la santé, classe le glyphosate comme cancérogène probable. Une nouvelle qui vient perturber la réautorisation cette substance en Europe alors que sa licence arrive à échéance fin juin 2016. La bataille entre les États est féroce. En France, alors que les ministres de l’Agriculture, Stéphane Travert, et de la Transition écologique, Nicolas Hulot, montrent des divergences, le gouvernement propose un renouvellement de trois ans seulement, contre les quinze années demandées par Monsanto.
Mais l’Allemagne protège ses intérêts, au moment où son géant de la chimie Bayer est justement en train de racheter Monsanto. Habituellement abstentionniste sur la question, l’Allemagne fait pencher la balance et le glyphosate est renouvelé pour cinq années dans la zone. Emmanuel Macron promet alors aux Français d’interdire l’herbicide au plus tard en novembre 2020 dans l’Hexagone. Le Président ne parviendra pas à tenir sa promesse. Justifiant un manque d’alternative, le gouvernement annonce des restrictions, mais pas la révolution attendue.
Pas de recette miracle de substitution
En novembre 2020, le gouvernement français a débloqué une enveloppe de sept millions d’euros pour accélérer la recherche sur des alternatives. Mais il n’existe aucune recette miracle. Il semble impossible de remplacer le glyphosate par un produit biologique qui ait autant d’efficacité. D’autres techniques, parfois préventives permettent partiellement de se substituer au produit, comme le faux semis, le paillage, la rotation des cultures… Les chercheurs pensent également à des moyens mécaniques mais ces derniers affectent la structure du sol et participent à son érosion.
Aujourd'hui, Bayer croule littéralement sous les menaces judiciaires avec plus 125 000 plaintes aux États-Unis concernant l’utilisation du Roundup. Le groupe a fondu en Bourse en perdant la moitié de sa valeur depuis sa fusion avec Monsanto. Et ces poursuites lui coûtent très cher. Le PDG du groupe Werner Baumann a récemment évoqué une possible suspension à venir des ventes du désherbant aux particuliers.
Marina Fabre, @fabre_marina