Publié le 16 juin 2023
ENVIRONNEMENT
Biodiversité, santé, climat : le coût caché de notre alimentation résumé en une infographie
Notre système alimentaire n’est pas sans impact sur l’environnement et la santé. Émissions de gaz à effet de serre, perte de biodiversité, augmentation des risques de maladies… Pour matérialiser ces conséquences, des chercheurs ont calculé le coût financier caché derrière notre alimentation. Et il est colossal.

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14 000 milliards de dollars. Voilà le coût caché de notre alimentation. Dans une étude publiée en mai 2023 dans Nature Food, des chercheurs du King’s College de Londres et de l'École polytechnique fédérale de Zurich ont pour la première fois estimé les coûts indirects des dommages causés à la santé humaine et aux écosystèmes par la production alimentaire dans 101 pays. Acidification des sols, consommation d’eau douce, utilisation des terres, risques alimentaires… Les auteurs ont pris en considération une quinzaine de paramètres.
"Par exemple, quand on produit de la charcuterie, on impacte l'environnement (gaz à effet de serre) et la santé (cancers)", explique Romain Espinosa, économiste au CNRS, dans un fil Twitter. Aussi appelés externalités, "ces coûts sont cachés car ils ne sont pas reflétés dans le prix payé par le consommateur et le producteur n'indemnise pas la société pour ce dommage", complète l’expert. En 2018, pour chaque dollar dépensé par les consommateurs, les chercheurs estiment qu’il est nécessaire d’ajouter en moyenne 1,94 dollar pour obtenir le coût total ou "réel" de l’alimentation mondiale, soit le double.
La viande, première responsable
Mais toutes les régions du monde ne sont pas sur un pied d’égalité face à ces externalités. Sans surprise, les pays riches sont les plus contributeurs, "en raison de la composition du régime et de l'apport alimentaire moyen plus élevé", soulignent les auteurs de l’étude. Si aux États-Unis, ils comptent 4 380 dollars par personne et par an, en Éthiopie, les coûts cachés sont estimés à 740 dollars par personne et par an, cinq fois moins. Ramenées au produit intérieur brut (PIB), ces disparités révèlent un fardeau économique lourd pour les pays à faible revenu, pour qui les externalités représentent jusqu’à 102% de leur PIB, contre seulement 7% pour les pays à revenu élevé.
Autre enseignement, tous les aliments ne se valent pas en termes de coûts indirects, les produits d'origine animale pesant le plus lourd dans la balance. Au niveau mondial, ils sont responsables de 70% des externalités, dont 51% pour la production et la consommation de viande uniquement. En deuxième position arrivent les céréales qui contribuent à 13% aux coûts cachés, une part qui augmente pour les pays à bas revenu dont les régimes reposent fortement sur ces cultures.
Sept milliards de dollars d’économie
Alors, quelles solutions ? Les chercheurs ont calculé les variations engendrées par différents régimes alimentaires comprenant des apports différents en produits d'origine animale, légumes, protéines d’insectes ou encore aliments transformés à base de plantes. Ils estiment ainsi que l’exclusion de produits d'origine animale permettrait de générer une réduction des externalités de 7 300 milliards de dollars par an, dont 4 000 milliards de dollars pour la seule suppression de la viande rouge.
Concrètement, un régime végétarien permettrait selon les auteurs de diminuer la consommation d’eau douce et l’utilisation des terres, tant pour l’élevage que pour les cultures fourragères. Un bénéfice pour la préservation des espèces, mais aussi un risque réduit d’insécurité alimentaire causée par les potentielles pénuries d'eau d'irrigation. Côté climat, exclure les régimes carnés serait à l’origine d’une baisse de 4,5 gigatonnes de CO2 équivalent, permettant "de remplir à lui seul l'objectif climatique de réduction carbone lié à l'alimentation", souligne Romain Espinosa.