Publié le 17 février 2014
ENVIRONNEMENT
Alimentaire: des contrôles sanitaires insuffisants
Le rapport annuel de la Cour des comptes constate l'insuffisance des contrôles du ministère de l'Agriculture en matière de sécurité sanitaire de l'alimentation. Malgré des taux de non-conformités élevés, peu de contrôles sont suivis d'effets, selon la Cour.

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L'affaire Spanghero serait-elle symptomatique des défaillances des contrôles sanitaires du ministère de l'agriculture ? Oui, à en croire la Cour de comptes. Insuffisance des contrôles, irrégularités dans les inspections, absences de sanctions... Des critiques que la Cour reprend pour l'ensemble des contrôles de la Direction générale de l'alimentation (DGAL) dans son rapport annuel paru en février 2014. Les conclusions sont sévères : « les contrôles réalisés par le ministère de l'Agriculture sont peu nombreux et les non-conformités sont rarement sanctionnées », une situation qui révèle « des anomalies graves ». Le ministère de l'Agriculture n'est pas le seul ministère concerné par la surveillance sanitaire des aliments, puisque la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes (DGCCRF) est la responsable globale du marché des produits alimentaires. Mais il revêt « une importance stratégique», pour la Cour, puisque la DGAL est en charge des contrôles des exploitations agricoles et des établissements de transformation des denrées animales.
Manque de contrôles
Le rapport pointe d'abord le manque de contrôles. Pour les intrants (pesticides, engrais), le taux de contrôle des cultures est à peine 1,2 %. Et encore, il ne concerne que les exploitants bénéficiant des aides de la PAC. Les autres, comme les maraîchers et les vignerons, ne sont quasiment pas contrôlés. Les inspections interviennent surtout dans le cadre de la politique européenne, depuis que les aides agricoles sont conditionnées au respect de certaines normes environnementales. Autre source d'inquiétude, des contaminants à risque comme le cadmium ne font pas l'objet de recherche de la part de la DGAL. La Cour pointe aussi un manque de contrôle des produits originaires de l'Union européenne. Malgré des taux de non-conformité pouvant aller jusqu'à 25 %, les contrôles ont baissé de 20 % entre 2010 et 2011.
Manque de moyens
La baisse des contrôles n'est pas étrangère à la baisse des effectifs. La diminution des moyens du ministère de l'Agriculture a été répercutée « quasi exclusivement » à l'échelon départemental, selon la Cour. Conséquence : une baisse des contrôles de 17 % entre 2009 et 2012 dans les établissements de production et de transformation de produits carnés, une compétence qui relève du Département. Pour pallier le manque de moyen, la Cour propose « de mieux répercuter sur les professionnels le coût des inspections ». Le rapport insiste aussi sur la nécessité d'un meilleur ciblage des professionnels à risque.
Manque de sanctions
La Cour s'interroge enfin sur les suites données aux contrôles, alors que les irrégularités sont élevées. Pour les produits phytosanitaires par exemple, des non-conformités majeures sont relevées pour 21 % des cultures contrôlées. Quant à la viande, 60 % des inspections constatant une non-conformité moyenne ou majeure n'ont donné lieu à aucune suite en 2012. Le rapport souligne enfin « l'encadrement insuffisant des autocontrôles des professionnels », tant sur la qualité des méthodes d'analyse que sur l'indépendance des laboratoires choisis. Les entreprises ne déclarant pas nécessairement les non-conformités, la Cour propose d'imposer aux labos de transmettre leurs résultats à la DGAL en cas de risque pour la santé publique.
« Ce rapport de la Cour des comptes confirme les alertes lancées depuis de nombreuses années par Générations futures sur la faiblesse des capacités de l'Etat en matière de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments et de sanction », déclare François Veillerette, porte-parole de Générations futures. Dans sa réponse, le ministre de l'Agriculture évoque les restrictions budgétaires. Et il estime que « les recommandations émises sont bien en deçà de celles auxquelles on pourrait s'attendre au vu de la sévérité des constats », soulignant que les pistes proposées sont déjà explorées par ses services.