Publié le 01 mai 2017
ENTREPRISES RESPONSABLES
Comment le CAC 40 mesure l'impact du social business
Alors qu’une bonne partie du CAC40 s’est ouvert au social business depuis une dizaine d’années, l’heure est à la mesure de l’impact de ces activités d’un genre nouveau. La deuxième édition du baromètre "CAC 40 et Social Business" de Convergences montre un engouement généralisé des grandes entreprises pour évaluer les effets économiques et sociaux de ces programmes, tout en soulignant les défis qui restent à relever. Les entreprises témoignent.

Renault
Quels sont les bénéfices des programmes de social business, ces initiatives destinés à résoudre des problèmes sociaux (accès à l’eau, à la mobilité ou à l’emploi des plus démunis par exemple) ? Après plusieurs années d’existence, c’est la question que se posent les entreprises du CAC 40 qui ont investi dans de tels projets.
Aujourd’hui, toutes les entreprises du CAC40 interrogées pour le baromètre « CAC40 et social business » mesurent ou prévoient de mesurer l’impact social de leurs programmes. Un mouvement encouragé par certains investisseurs et les agences de notation extra-financière. Mais les pratiques restent hétérogènes et les entreprises "font face à des freins importants dans cet exercice", note l’organisation Convergences qui publie le baromètre.
Légitimer, crédibiliser et mobiliser
Chez Renault, qui a mis en place son programme de mobilité solidaire Mobiliz (garages solidaires et fonds d’investissement de sociétés innovantes dans la mobilité durable) au début de la décennie, la mesure d’impact est "LE sujet de l’année", assure son directeur François Rouvier. Cela permet "de démontrer sur le long terme l’intérêt de ce type de programmes, pour la société, les populations visées, l’environnement mais aussi pour l’entreprise en termes de retombées d’image, de mobilisation des salariés ou de business. Et donc d’assurer sa pérennité et son développement", précise le directeur du programme.
Une vision que partage BNP Paribas, qui a très vite travaillé sur la mesure d’impact de ses fonds solidaires comme NovESS ou BNP Paribas Social business Impact France qui soutiennent des entreprises sociales françaises depuis 2014. "Le financement d’entreprises sociales était nouveau pour nous. Nous avons vite compris que si nous ne mesurions pas l’impact social de leurs activités, nous passions à côté de leur ADN, explique Maha Keramane, responsable entrepreunariat social et micro-finance Europe de BNP Paribas. D’autre part, les échanges que nous avons sur le sujet avec les entrepreneurs sont un bon moyen d’acculturer nos chargés d’affaires à ces nouveaux modèles, d’adapter leur analyse financière mais aussi de valoriser l’action de nos clients entrepreneurs sociaux".
Le casse-tête du choix des indicateurs
Pour autant, l’exercice n’est pas simple. La démarche demande en effet une implication forte de l’entreprise car elle mobilise du temps, du personnel mais aussi les parties prenantes. C’est ce dont peut rendre compte Maha Keramane: "Pour ce type de mesure, il ne sert à rien de faire des catégories par secteur d’activité. Nous avons donc dû créer une méthodologie propre. Celle-ci évalue l’impact d’abord en fonction des missions que se sont données les entreprises que l’on finance : accès à l’emploi, à la santé, au logement…ensuite pour chaque domaine d’action sociale, nous catégorisons les bénéficiaires cibles (ex : jeunes, personnes en situation de handicap ou d’exclusion sociale) puis nous les confrontons aux bénéficiaires réels et à ce que cela a changé pour eux. Mais nous ne sommes encore que dans une phase pilote et la méthode est amenée à évoluer", précise-t-elle.
Trouver les "bons" indicateurs vire parfois au casse-tête. Pour le programme Mobiliz de Renault, à ce stade de la réflexion, entre le nombre de bénéficiaires, le taux d’insertion ou la définition d’un indice de mobilité, le nombre d’indicateurs tient sur pages… "Le défi est non seulement de trouver les bons indicateurs qui sont pertinents mais aussi de savoir comment les utiliser et les communiquer pour ne pas s’attribuer indûment certains impacts", souligne François Rouvier.
Avancer pas à pas
De fait, à ce stade de la mesure d’impact, les questions restent nombreuses. "Par exemple : les impacts positifs peuvent-ils compenser les impacts négatifs ? Le financeur peut-il s’octroyer les bénéfices alors que c’est la société financée qui crée la valeur ajoutée ? Si oui, quelles sont les clés d’affectation ? Comment valoriser les effets d’entraînement ?", recense Eric Mugnier, associé Sustainable Performance and Transformation chez EY. Sans parler du manque d’harmonisation de cette mesure…
Pour autant selon François Rouvier, la démarche est "difficile et risquée, mais nécessaire. Il faut y aller pas à pas, sans vouloir être parfait tout de suite". C’est aussi le point de vue d’Eric Mugnier : "Faisons le pari que la mesure d’impact social et environnemental sera dans les années à venir un must have pour l’évaluation des produits, des projets et des organisations, un argument différenciant et un sérieux atout pour l’accès au capital. La concurrence se jouera là, aussi".