Publié le 24 janvier 2018

ENTREPRISES RESPONSABLES

Donner plus de pouvoirs aux salariés pour prévenir les crises industrielles

À l’occasion de l’affaire Lactalis, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez expliquait qu’il fallait libérer la parole des salariés pour mieux prévenir et comprendre les dysfonctionnements. Une prise de position qui fait écho aux discussions sur le renforcement du pouvoir des salariés dans les organes de surveillance des entreprises par le biais de la codétermination. Mais qui en interroge aussi les limites.

Le renforcement de la co-détermination, qui fait plus de place aux salariés dans les conseils de surveillance, est à l'étude à travers le Pacte.
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Libérer la parole des salariés dans l’entreprise permettrait de mieux prévenir les crises environnementales et sanitaires qui mettent en danger les consommateurs, la planète et la réputation des entreprises. C’est l'avis de Philippe Martinez, numéro 1 de la CGT, qui s'exprimait le 15 janvier au micro de France Inter, à l’occasion de l’affaire Lactalis.

Donner plus de parole et de pouvoirs aux salariés au sein de l’entreprise est l’un des points abordés dans la grande réflexion en cours sur la réforme de l’entreprise dans le cadre du projet de loi Pacte . C'est ce qu'on appelle la codétermination, soit le renforcement de la présence des salariés aux conseils d’administration et de surveillance des entreprises.

De nombreux syndicats, chefs d’entreprise, universitaires et politiques se font les chantres d’une codétermination à la française, qui concernerait non plus seulement les très grandes entreprises mais aussi des grandes PME et les entreprises cotées.

Plus de réflexion sur les questions de responsabilité

Cette mesure permettrait notamment aux entreprises de "mieux prendre en compte les variables non financières et les impératifs de leur responsabilité sociale et environnementale (RSE)", écrivent 91 personnalités dans une tribune publiée dans Le Monde le 5 octobre 2017.

En effet, selon une étude de l’IFA, l’Institut français des administrateurs, "ce sont les administrateurs salariés qui accordent le plus d’importance à la prise en compte des risques humains (santé, sécurité, climat social, etc.) ainsi qu’aux enjeux humains liés à l’évolution stratégique de l’entreprise".

C’est aussi ce que souligne Marylise Léon, la secrétaire nationale chargée du dossier responsabilité sociale et environnementale des entreprises pour la CFDT, un syndicat très investi sur la question de la codétermination. "Les questions de sécurité dans les industries sont souvent portées par les représentants des salariés car, avant d’être des risques environnementaux ou sanitaires, ce sont aussi souvent des risques professionnels sur lesquels ils sont en première ligne", souligne-t-elle.

Mais la tâche des administrateurs salariés n’est pas aisée : "Nous ne voulons pas non plus être cantonnés à ces sujets. Et il faut savoir que dans beaucoup d’entreprises, la RSE est souvent abordée en fin de séance, un peu à la va-vite", déplore Valérie Coulon, administratrice salariée chez Air France.

Libérer la parole au-delà du seul conseil d’administration

Pour assurer une meilleure prévention des risques et des crises, la libération de la parole des salariés doit donc se diffuser bien plus largement que dans les conseils de surveillance. "Il faut un lien étroit entre les salariés, les IRP (instance de représentation du personnel, NDLR) les organisations syndicales et les administrateurs pour mieux faire remonter ces questions. C’est ce maillage complémentaire qui est important", et qui doit être mis en place dans tous les types d’entreprises, grandes ou petites, estime Fabrice Angeï, secrétaire confédéral CGT.

Pour Martin Richer, fondateur et président du cabinet de conseil Management & RSE, la codétermination n’est pas non plus l’arme absolue pour la prévention des crises si elle n’est pas accompagnée d’une bonne gouvernance au sens large. Elle doit être associée à un dialogue renforcé avec d’autres parties prenantes externes, au premier titre desquels les clients, au sein de comités spécifiques par exemple.

"L’important est surtout d’avoir des contre-pouvoirs. Dans les entreprises où ils sont absents, on prend les mauvaises décisions", assure-t-il. Il en veut pour preuve l’affaire emblématique du 'Volkswagate'. Dans cette entreprise, emblématique de la codétermination, où les salariés occupent depuis des années la moitié des sièges au conseil de surveillance, la collusion entre les représentants des salariés et la direction n’offrait plus de contre-pouvoir. Avec les effets que l’on connaît.  

Béatrice Héraud @beatriceheraud


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