Publié le 28 mai 2020
ENTREPRISES RESPONSABLES
Airbnb, symbole d'une économie collaborative obligée de se réinventer après le Covid-19
2020 devait être une année florissante pour l’économie collaborative, les entreprises du type Uber, Delivroo, Blablacar.... Mais le Covid-19 a marqué un coup d’arrêt à la croissance exponentielle du secteur. Ainsi, Airbnb qui devait entrer en bourse cette année et a finalement dû se séparer du quart de ses effectifs fait figure de symbole. Mais l’ancienne startup pourrait aussi montrer la voie du renouveau en se recentrant sur les fondamentaux de l’économie de partage.

@melitas
2020 devait être l’année de la consécration pour Airbnb. Douze ans après sa création, l’ancienne startup affichait un chiffre d’affaires avoisinant les cinq milliards de dollars en 2019 et préparait son entrée en bourse avec une capitalisation estimée à près de 35 milliards de dollars. Puis le covid-19 est arrivé, paralysant le tourisme dans le monde entier. Dans certaines villes comme Paris, destination phare pour l’entreprise, le chiffre d’affaires a chuté de 70 %. Début mai, celle qui est devenue un acteur clé du tourisme mondial, a dû licencier le quart de ses effectifs et s’attend à voir son chiffre d’affaires divisé par deux en 2020.
Restaurer la confiance
Tout un symbole pour ce que l'on appelle le secteur de l’économie collaborative durement frappé par la crise. Pour s’en sortir, les acteurs devront activer deux leviers majeurs selon Mehdi Farajallah, professeur en stratégie à Rennes School of Business : l’adaptation à des comportements durablement impactés par les craintes sanitaires et la confiance. "Les consommateurs vont vouloir contrôler leur environnement immédiat pour être rassurés. Cela peut favoriser certains acteurs du secteur qui réduisent le nombre d’intermédiaires ou le nombre de personnes présentes au même endroit", explique-t-il. Ce peut être le cas pour les vêtements et encore plus pour le tourisme.
À ce titre, Airbnb a des atouts. "C’est l’un des acteurs qui a le plus basé sa stratégie sur la confiance, pierre angulaire de l’économie collaborative, dès ses débuts", assure Mehdi Farajallah. Cela s’est aussi vu lors de sa gestion de crise. Certes, les critiques concernant son rôle dans la hausse des prix immobiliers, la massification du tourisme ou son manque de responsabilité fiscale, n’ont pas disparu avec le virus. Et son rôle d’intermédiaire l’a mis dans une position plus qu’inconfortable en devant arbitrer entre le remboursement des hébergés et des hôtes. Mais la plateforme a aussi su inciter les loueurs à mettre leurs logements à disposition des soignants, proposer des solutions de nettoyage des logements ou encore licencier ses salariés avec un accompagnement et des compensations qui ont tranché avec les pratiques abruptes de certains de ses homologues.
Revenir aux fondamentaux
Son patron, Brian Chesky, voit même en la crise une occasion de revenir "aux racines et aux bases" collaboratives d’Airbnb. "Quand cette crise sera terminée, les gens rechercheront le contact humain, et c'est précisément ce qui fait notre ADN. Notre mission est que chacun se sente accepté et puisse tisser des liens, partout dans le monde, grâce à des particuliers qui ouvrent la porte de leur logement et proposent des expériences. Nous mettrons de nouveau cette mission au cœur de nos préoccupations, et redoublerons d'efforts pour vous aider", assure-t-il. Parmi les pistes évoquées : la location (de plus) longue durée, les services pour assurer la propreté des logements ou le développement des "expériences" (cours de cuisine, de photos, tours de ville…) qui se sont digitalisées durant le confinement.
Un retour aux fondamentaux qui serait la voie de salut pour un secteur qui s’était perdu au fil du temps, assure la spécialiste April Rinne. "L'économie du partage prospérera lorsqu’elle s'alignera sur ses valeurs d'origine, en remettant à l’équilibre le profit et les bénéfices économiques et sociaux qu’elle peut engendrer", explique-t-elle. Dans une étude Désubériser, reprendre le contrôle, le think-tank français Le Plus important, va même plus loin en préconisant de transformer certains acteurs en coopératives ou en entreprises à mission pour pallier les manques dans les zones à faibles offres de mobilité ou d’hébergement.
Autre possibilité : les associations public-privé. C'est ce que fait par exemple Ecov, une startup de covoiturage nantaise. Elle travaille avec les collectivités des territoires périurbains et ruraux pour développer une alternative aux lignes de transport en commun qui risquent d’être saturées avec les précautions sanitaires. Pour April Rinne, la crise devrait d’ailleurs être une opportunité pour mieux encadrer les pratiques fiscales, sociales et commerciales de ces plateformes et les intégrer à un projet de territoire.
Béatrice Héraud, @beatriceheraud