Publié le 04 mars 2015
ENTREPRISES RESPONSABLES
Mise en oeuvre de la RSE en Inde : une année de rodage pour la "Companies Bill"
En Inde, la responsabilité sociale des entreprises est devenu un enjeu concret, l'application de la "Companies Bill" étant effective depuis avril 2014. Cette loi, adoptée en août 2013 par le Parlement de Delhi, oblige les grandes entreprises indiennes à consacrer 2 % de leur bénéfice net à des projets de RSE. Mais les premiers bilans de mise en œuvre montrent des résultats décevants.

Service de presse du gouvernement indien
L’Inde avait emboîté le pas aux Philippines et à l’Indonésie en août 2013, en devenant l’un des premiers pays au monde à fixer un minimum obligatoire aux dépenses de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) des grandes entreprises. Cette loi, la "Companies Bill", avait alors fait couler beaucoup d’encre, et suscité quelques inquiétudes dans le monde économique en raison de sa dimension contraignante.
Mais c’est en avril 2014 que la nouvelle réglementation commence réellement à s’appliquer, avec le début de l’année fiscale indienne. Plus de 16 000 sociétés sont in fine concernées par les dispositions du texte et doivent allouer 2% de leur bénéfice net à des dépenses de RSE.
Initialement, le ministère indien des Affaires commerciales s’attendait à des retombées aux alentours de 2,8 milliards d’euros, les entreprises étant supposées consacrer cet argent à des projets liés à l’environnement, l’éducation ou la santé, dans un pays où les besoins sont énormes. Mais les prévisions tablent maintenant sur des montants deux à trois fois inférieurs pour la première année.
30 000 professionnels de la RSE à embaucher
C’est que l’entière mise en place de la "Companies Bill" prendra du temps. La plupart des entreprises concernées ne disposait pas de politique de RSE avant cette loi. Tout est donc à créer, avec des services encore peu rompus à l’exercice. L’Institut indien des Affaires commerciales estime ainsi que la loi a généré un appel d’air de 30 000 professionnels RSE dans le pays. L’établissement a d’ailleurs ouvert des formations à destination des entreprises et des ONG.
"Les entreprises ne savent pas toutes comment dépenser cet argent" appuie Prasad Modak, dirigeant et fondateur de l’Environment management center, un cabinet de conseil spécialisé notamment en stratégie de responsabilité. La loi avait au départ adopté une définition large de la RSE, laissant place à de nombreuses zones grises sur ce qui pouvait ou non relever des dépenses sociales.
Depuis, le gouvernement a clarifié certains points : pour pouvoir être affectés au budget RSE, les projets financés doivent être situés sur le territoire indien, de préférence au niveau local, et profiter aux communautés les plus déshéritées. Les entreprises peuvent par ailleurs choisir d’internaliser ou d’externaliser leur politique RSE, notamment en confiant la réalisation de projets à des ONG.
La RSE, partie intégrante de la stratégie des entreprises
Tandis que les structures de taille modeste peinent à se mettre au pas, de grandes marques en profitent pour parfaire leur image sociale. Hindustan Unilever (HUL), la branche indienne du groupe anglo-néerlandais, vient ainsi d’annoncer des investissements de 100 millions d’euros d’ici 2019 en faveur de l’accès aux sanitaires dans le pays. HUL se taille ainsi une place de choix dans la campagne "Clean India" du Premier ministre Narendra Modi, qui souhaite faire participer les entreprises à cette gigantesque opération d’hygiène. Par ailleurs, plusieurs enquêtes montrent que la RSE fait de plus en plus partie intégrante de la stratégie des entreprises indiennes.
Reste cependant la question des modalités de contrôle. Si les entreprises n’atteignent pas le seuil des 2%, elles doivent s’en expliquer publiquement dans leur rapport RSE, mais la loi ne prévoit aucune sanction. Et, comme le souligne avec humour Prasad Modak sur son blog, personne ne lit les rapports de "soutenabilité", rédigés par une centaine de grandes entreprises indiennes cotées en bourse.