Publié le 16 avril 2014

ENTREPRISES RESPONSABLES

Les entreprises européennes devront mêler reporting extra-financier et financier

Les entreprises cotées de plus de 500 salariés ont désormais l’obligation d’intégrer des informations environnementales et sociales dans leurs rapports financiers. C’est la conséquence de la mise en place d’un nouveau dispositif, adopté le 15 avril par le Parlement européen. 6 000 compagnies devront dorénavant aborder des sujets concernant leurs employés, les droits humains ou la corruption. 3 000 d’entre elles le font déjà sur une base volontaire. En France, une obligation de cette nature est en vigueur depuis 13 ans.

les-entreprises-europeennes-devront-meler-reporting-extra-financier-et-financier 01

Un communiqué de victoire. C’est ce que les spécialistes de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) et les porte-parole des investisseurs responsables ont publié mardi 15 avril. Ils saluent « l’entrée dans une nouvelle ère de l’Union Européenne dans le reporting non financier». Leur réaction fait suite à l’approbation par le Parlement européen du texte introduisant, dans une directive comptable, une obligation d’information sur des sujets environnementaux et sociaux. Pour Teresa Fogelberg, directrice exécutive de la Global Reporting Initiative (GRI), principal standard de reporting : « Cet accord démontre l’engagement fort de l’Union à promouvoir la transparence et le développement durable et à préparer la route vers une économie mondiale plus durable».

D’autres acteurs sont plus nuancés sur le texte. Sans doute parce qu’il est d’abord le fruit d’un compromis laborieux. C’est le cas de Michel Barnier, commissaire européen porteur du projet, venu le présenter en mars à Paris : « Pour parler franchement, le texte final n’est pas forcément à la hauteur de mes attentes initiales concernant les entreprises soumises à cette obligation. Le fait de réserver le seuil de 500 salariés aux entreprises cotées laisse de côté de nombreuses entreprises intermédiaires mais les résistances de certains pays ont été fortes. Je regrette aussi l’absence d’une obligation de reporting pays par pays. Mais la dynamique est lancée et le dispositif pourra être amélioré par la suite. »

Un texte de compromis

Le dispositif est également décevant pour les investisseurs responsables. Eurosif, leur porte-parole à Bruxelles, a regretté qu’il ne concerne in fine que 6 000 entreprises contre les 18 000 envisagées initialement, si l’obligation avait été étendue à toutes les entreprises de plus de 500 salariés. « L’absence d’obligation de vérification par un tiers des données et de prescription d’indicateurs clefs communs permettant de comparer les entreprises entre elles ne crée pas les conditions nécessaires à un changement fondamental de l’analyse des entreprises », souligne Eurosif.

Il aura fallu des mois de débats et d’arbitrage entre les diverses instances de l’Union européenne (Parlement, Conseil et Commission) pour en arriver là. Les plus radicaux ont été les députés européens. Ceux-ci souhaitaient initialement que les entreprises publient « des déclarations sur l’impact environnemental et social de leurs activités. Parmi elles, le respect des droits de l’homme et la lutte contre la corruption, axées sur les politiques, les risques et les résultats obtenus en exigeant des multinationales, dès 2018, un reporting pays par pays sur les bénéfices, le montant des impôts versés et les subventions perçues ». Mais les organisations représentant les entreprises comme Business Europe ou l’AFEP en France s’y sont fermement opposées.

Des informations choisies par les entreprises

Surtout, le point crucial reste le choix des informations publiées. Les entreprises pourront les choisir en fonction de leur pertinence et de leur impact sur leurs business model. Ces dispositifs dits « comply or explain » (principe selon lequel les entreprises se conforment à la règle ou expliquent pourquoi elles ne peuvent pas fournir les informations) reposent sur la « matérialité » des sujets environnementaux et sociaux, c'est-à-dire ceux susceptibles d’être valorisés par les investisseurs. Côté société civile, l’European Coalition for Corporate Justice (ECCJ) estime que le « comply or explain » ouvre la porte « aux omissions d’impacts et de risques majeurs de première importance pour les salariés, les communautés locales et plus généralement la planète parce que l’entreprise estime que ces sujets ne sont pas pertinents.» Elle voulait un dispositif contraignant engageant la responsabilité des entreprises.

Anne-Catherine Husson,-Traore
© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

ENTREPRISES RESPONSABLES

Entreprise responsable

Actualité nationale, européenne et mondiale quotidienne de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

Remuneration dirigeant paie Scott Graham unsplash

RSE : la rémunération des dirigeants de plus en plus indexée sur le climat… mais avec peu d’effets

Les patrons des grandes entreprises européennes doivent de plus en plus rendre des comptes sur leur politique climatique. La majorité des 50 plus grands groupes européens ont mis en place des critères sur les émissions de gaz à effet de serre dans le calcul de la rémunération de leurs dirigeants....

Lush marque cosmetique tourne le dos aux reseaux sociaux

Lush quitte les réseaux sociaux pour préserver la santé mentale de sa communauté

Santé mentale, dépendance, image de soi… Les impacts négatifs des réseaux sociaux sur les utilisateurs sont multiples et concernent autant les plateformes en elles-mêmes que les entreprises qui les placent au cœur de leur communication. Une problématique prise à bras le corps par la marque de...

Classement RSE iStock Svetlana Kachurovskaia Lanpochka 01

Decathlon, Blablacar, Carrefour… découvrez les champions de la RSE selon les jeunes diplômés

Ce sont les entreprises les plus engagées sur la RSE, selon les étudiants et jeunes diplômés. Carrefour, Blablacar et Decathlon composent le podium de la deuxième édition de l'index RSE d'Universum. Si en tant que candidat, les jeunes sont plus attachés aux engagements sociaux qu'environnementaux,...

ESG RSE istock

Crise de la fonction RSE dans les entreprises sommées de radicaliser leur transformation

La RSE doit-elle être radicale ? Cette question brûlante a été posée aux invités de l’Orse, l’Observatoire de la Responsabilité Sociale des Entreprises, lors d’un débat organisé pour ses vœux. Elle porte deux dimensions : la première est de s’interroger sur la capacité des directeurs RSE à affronter...