Publié le 29 juillet 2015
ENTREPRISES RESPONSABLES
Les cadres RSE, une espèce en voie d'apparition
Porteurs de valeurs fortes, dotés de compétences multiples, atypiques… les cadres du développement durable et de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) forment une petite communauté originale au sein des entreprises françaises. C’est ce qui ressort de la première étude sur les métiers et parcours de cette population, réalisée par le sociologue Gilles Hauser pour Birdeo, cabinet européen de conseil en recrutement et de mise à disposition d’experts.

"Ce n’est pas tout à fait une tribu, ni une famille, mais une sorte de galaxie liée par une solidarité intellectuelle. On a affaire à un phénomène. Les cadres du développement durable et de la RSE sont et se disent atypiques, mais ils ont les mêmes réflexes, comme des oiseaux migrateurs, capables de se jouer des prédateurs, évoluant de concert vers un but commun, dans des cieux pas toujours accueillants."
Voilà le portrait poétique que dresse le sociologue Gilles Hauser des cadres du développement durable (DD) et de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Une description qui fait suite à l’étude qu’il a réalisée pour le cabinet européen de conseil en recrutement et de mise à disposition d’experts, Birdeo.
"Une espèce protégée en voie d’apparition"
Concrètement, cela donne des cadres unis par les mêmes valeurs de contribution à l’amélioration de la société et de leur environnement, mais aux parcours et aux métiers très variés. Les 182 cadres ayant répondus à l’enquête ont par exemple quasiment tous un intitulé de poste différent !
"C’est typique d’un domaine en construction" estime Gilles Hauser. Ils sont aussi très diplômés - 95% ont un bac +5 en poche - et multi-compétents : le développement durable ou la RSE est une des branches de leur expertise, mais c’est loin d’être la seule, puisqu’ils ont souvent exercé un autre métier ou réalisé une autre formation avant de devenir cadres dans ce domaine. Ils sont également capables d’endosser plusieurs rôles et d’en gérer la complexité.
Et pourtant, leur côté multi-casquettes et multitâches, recherché par les employeurs, ne leur vaut souvent pas une grande reconnaissance dans l’entreprise : "Ils doivent souvent trouver leurs propres financements, construire le poste, et très régulièrement sans avoir beaucoup de moyens humains, si ce n’est aucun !", précise le sociologue.
À cela s’ajoute un salaire en deçà de la moyenne des cadres : 2 934 € par mois en moyenne pour les hommes cadres RSE/DD, contre 3 355 € pour la moyenne des cadres masculins au niveau national, et 2 553 € par mois pour les femmes (contre 2 622 € par mois en moyenne). Avec des écarts de salaire relativement maîtrisés entre les différents statuts (le directeur DD touchera environ 4 250 € et le chargé de mission RSE 2 160 €).
"La RSE et le DD ne sont malheureusement pas encore suffisamment considérés comme créateurs de valeurs par l’entreprise", constate Caroline Renoux, la fondatrice et directrice de Birdeo. "Mais les cadres trouvent d’autres moyens de satisfaction", assure–t-elle. "Ils sont venus à ces fonctions par choix et 85 % d’entre eux s’affirment satisfaits par le travail, car ils s’y épanouissent et y trouvent du sens. Même si le bémol qu’ils y apportent se réfère souvent au salaire, justement !"
Des cadres qui veulent se fondre dans le paysage
Ces oiseaux rares, que Xavier Houot, associé responsable du Développement durable chez Bearing Point compare à une "espèce protégée en voie d’apparition1", sont pourtant relativement discrets. "Parmi les répondants par exemple, aucun n’est syndiqué, ce qui est rarissime", souligne Gilles Hauser.
Surtout, ils ne veulent pas paraître trop militants auprès de leurs collègues : "Ce n’est pas de la schizophrénie, mais ils ont intégré les codes de l’entreprise et la posture que l’on attend d’eux", précise Caroline Renoux. "Quand une entreprise vient me voir pour recruter un cadre RSE/DD, elle me précise la plupart du temps qu’elle cherche quelqu’un qui a des valeurs, mais qui n’est pas militant."
D’une façon générale, les cadres RSE/DD ont une "vision optimiste de l’avenir", note l’étude. À horizon 2030, ils voient - ou espèrent - le développement durable intégré dans le business model de l’entreprise et diffusé dans l’ensemble des métiers.
Selon eux, la spécificité DD aura d’ailleurs disparu des métiers de l’entreprise. Mais s’il est certain que "l’entreprise va effectivement changer de façon radicale à terme", selon Gilles Hauser, "il faudra encore quelques décennies pour que cette intégration du DD dans toutes les couches de l’entreprise soit effective", observe Caroline Renoux.
[1] Lettre stratégique n°52 de Bearing Point.