Publié le 07 avril 2017
ENTREPRISES RESPONSABLES
Cas d'école: comment les scandales affectent les performances de LafargeHolcim
La Mairie de Paris met fin à son partenariat avec LafargeHolcim dans le cadre de Paris-Plages. En cause : le financement indirect du cimentier dans des groupes terroristes en Syrie et sa proposition de construction du mur anti-immigrés de Donald Trump. Le groupe, pourtant pionnier de la RSE, vient de créer un comité éthique mais sa réputation risque d’être longtemps entachée.

Franck Fife / AFP
Retour de bâton pour le groupe Lafarge Holcim. Le 28 mars, la sanction tombe : la mairie de Paris rompt son partenariat avec le cimentier. Depuis 2002, le groupe franco-suisse fournit, sous forme de mécénat, plus de 3000 tonnes de sables à la ville dans le cadre de l’évènement Paris-Plages.
Mais les polémiques autour du groupe se multiplient. Ainsi, en juin, le journal Le Monde révèle que Lafarge, pour continuer ses activités en Syrie, finance indirectement des groupes terroristes dont l’État islamique. La Ville de Paris prend ses distances et annonce qu’elle ne renouvellera pas son partenariat avec le cimentier si les faits sont confirmés.
Perte d’un marché public
Ce dernier lance alors une enquête interne. Les conclusions sont sans appel : le 2 mars, le groupe reconnait avoir remis des fonds à des tierces parties pour trouver des arrangements avec des groupes armés.
Une semaine plus tard, c’est une autre déclaration du PDG de LafargeHolcim qui met le feu aux poudres. Eric Olsen, dans une interview à l’Agence France Presse, se dit prêt à vendre son ciment pour construire le mur anti-immigré à la frontière mexicano-américaine promis par Donald Trump. "Nous sommes prêts à fournir nos matériaux de construction pour tous types de projets d’infrastructures aux États-Unis".
La réputation du groupe se détériore un peu plus. À tel point que le Conseil de Paris vote, le 29 mars, la fin du partenariat entre la Ville et le cimentier. "Nous nous passerons de leur prestation", tranche Bruno Julliard, premier adjoint de la maire de Paris, Anne Hidalgo. "Le sable que nous allons mettre sur les plages porte du sang. On ne peut pas cautionner ça", alertait déjà en juillet Danielle Simonnet, conseillère du Parti de Gauche à Paris.
Contacté par Novethic, LafargeHolcim reconnait que "cette année la Mairie de Paris a décidé de ne plus reproduire le partenariat" lié à Paris Plages. Mais ne veut pas établir de lien avec les récentes polémiques. "Nous n’avons pas d’informations particulières à ce sujet", souligne-t-il, évoquant plutôt un changement de cap de la Mairie de Paris qui préférait des espaces végétalisés.
"Quand les groupes emblématiques trébuchent, leur responsabilité dépasse leur propre cas"
Pour restaurer la réputation du groupe, les administrateurs ont approuvé, le 4 avril, la création d’un comité d’éthique mais sa tâche est d’autant plus lourde que Lafarge a été l’une des entreprises pionnières de la RSE en France.
"Lafarge est un acteur historique de la RSE qui, avec des dirigeants emblématiques comme Bertrand Collomb, s’est toujours engagé forcement dans une "éthique des affaires" et a été un soutien aux initiatives de développement durable. Elle a même passé les premiers "contrats de transformation" avec le WWF. Cela a été une étape décisive dans la reconstruction des relations des entreprises avec les ONG dans les années 80", explique Patrick d’Humières, expert RSE, directeur Master Class à la Centrale Supelec. "Quand les groupes emblématiques trébuchent, leur responsabilité dépasse leur propre cas".
La bataille de la réputation du groupe est loin d'être gagnée. Elle a rebondi lors du débat entre les candidats à la présidentielle du 4 avril. Au moment des questions sur la Syrie, Jean-Luc Mélenchon a déclaré qu'il trouvait "étrange que personne n'aie évoqué le cas de Lafarge,une compagnie mondiale qui a avoué avoir payé Daech pour pouvoir continuer à produire son foutu ciment. Cette compagnie doit être, ou bien réquisitionnée, ou bien confisquée, mais une décision exemplaire doit être prise contre ceux qui complotent avec l’ennemi".