Publié le 26 mai 2017

ENTREPRISES RESPONSABLES
Industrie pétrolière : le reporting climat, mère de toutes les batailles
Les Assemblées générales 2017 de l’industrie pétrolière marquent un tournant. De nombreuses propositions de résolutions sur le climat sont soumises au vote des actionnaires. Bien sûr, elles sont presque toujours rejetées. Mais il suffit que de grands gestionnaires d’actifs, à commencer par le mastodonte BlackRock, les soutiennent pour que les lignes bougent… enfin.

@Shell
Les Assemblées générales du printemps 2017 sont animées dans le secteur pétrolier ! Des résolutions sur le climat mettent les compagnies en demeure de proposer à leurs actionnaires des stratégies compatibles avec la limitation du réchauffement climatique à 2 degrés, prévue par l’Accord de Paris. Face à cette pression, beaucoup d’entreprises se rebiffent. La direction de Shell s’est par exemple opposée à l’une de ces résolutions, qui n’a du coup obtenu que 7 % des voix lors de l’Assemblée du 23 mai.
Mais le vent est en train de tourner puisque l’un des géants de la gestion d’actifs, l’américain BlackRock, commence à voter pour les résolutions climat. Il a, pour la première fois, soutenu celle déposée à l’Assemblée générale d’Occidental Petroleum le vendredi 12 mai.
Le suspens est intense ! Est-ce que le poids lourd de l’investissement fera de même la semaine prochaine lors de l’Assemblée générale d’Exxon, dont il détient 11 % du capital ? C’est d’autant plus probable que la résolution 12 a le soutien de la principale agence mondiale en conseil de vote : ISS. En revanche, elle n’a évidement pas l’appui de la direction d’Exxon.
BP, Chevron, ConocoPhillips et Total résistent
Qu’est-ce qui fait bouger les lignes ? La conviction que le risque climatique est devenu en un risque financier, tangible et mesurable. Conviction portée par les travaux de la Task Force on Climate Disclosure du conseil de stabilité financière du G20. Elle a publié des lignes directrices sur le reporting climat fin 2016 qui, pour la première fois, servent de référence à l’évaluation de la qualité des scénarios proposés par les compagnies pétrolières. Elles sont au centre d’une bataille de titans.
Parmi leurs adversaires déclarés, on trouve les compagnies pétrolières BP, Chevron, ConocoPhillips et Total qui viennent de financer un rapport publié en mai par la société de consultants IHS Markit. Ses principales conclusions sont que les lignes directrices pourraient "obscurcir" les informations financières sur la valeur des entreprises et, in fine, "fausser les marchés".
BlackRock, juge de paix
Et c’est bien là le cœur de la discussion. Evaluer en quoi la valeur boursière actuelle et future de ces entreprises sera impactée par le risque climat est LE sujet des lignes directrices sur le reporting sur le climat. Les soutiens sont rassemblés au sein de la coalition des entreprises engagées sur le climat "We mean Business" et du Conseil des entreprises pour le développement durable (WBCSD). Elles représentent plus de 200 multinationales et ont publié, le 15 mai, une déclaration recommandant au G20, qui se tient en juillet prochain en Allemagne, d’adopter les lignes directrices pour s’engager sur la mise en œuvre de l’Accord de Paris
Au final, l’arbitre de ce combat sera sans doute BlackRock. Avec plus de 5 000 milliards de dollars d’actifs, il est le premier actionnaire de nombre de grandes entreprises. Il détient par exemple plus de 5 % du capital de Total. S’il fait pencher la balance du côté du climat et des lignes directrices de la TCFD, à laquelle il appartient, les entreprises pétrolières n’auront plus le choix : elles devront retravailler leurs scenarios climatiques.
Anne-Catherine Husson Traore, Directrice générale de Novethic, @AC_HT_