Publié le 18 janvier 2016
ENTREPRISES RESPONSABLES
Facebook : l'Allemagne traque les contenus haineux
La responsabilité de Facebook quant aux contenus haineux ou de propagande djihadiste est pointée du doigt. Le gouvernement allemand a marqué un premier point face au réseau social. Après une bataille politique intense, Facebook a pris en décembre l’engagement d’éradiquer les propos incitant à la haine raciale et antisémite et la propagande de Daesh. Le site vient d’annoncer la mise en place d’une équipe multilingue chargée de cette lourde tâche. Un exemple à suivre ?

Lukas Schulze / DPA Picture-Alliance / AFP
C’est désormais officiel : Facebook s’apprête à supprimer les messages haineux et racistes de sa communauté en Allemagne. Le groupe américain a chargé un sous-traitant berlinois - Arvato, une filiale du géant éditorial allemand Bertelsmann - de constituer une équipe d’une centaine de personnes s’exprimant en allemand, arabe, français et turque. En langage Facebook, des "Customer Care Agents".
Le groupe vient ainsi de confirmer les informations parues dans les pages de l'hebdomadaire Der Spiegel. Reste à savoir quand cette équipe sera opérationnelle.
Succès politique
La nouvelle est un indéniable succès pour le monde politique allemand, qui n’a eu de cesse, depuis des mois et tous partis confondus (à l’exception notable de l'extrême droite), de critiquer Facebook pour son manque de sévérité envers les messages racistes, antisémites ou xénophobes.
Berlin a également mis en garde contre les campagnes de propagande de Daesh et les messages de haine qu’elles véhiculent. Les attentats de Paris sont venus rappeler cruellement combien les djihadistes sont passés maîtres dans l’art de la propagande sur internet. Le ministère de l’Intérieur ne fait d’ailleurs aucun mystère sur les centaines d’Allemands partis rejoindre les troupes de Daesh en Syrie ou en Irak.
Les critiques des politiques allemands font écho aux quelques 150 000 pétitionnaires qui, en France, réclament que Facebook retire les contenus de Daesh. Les citoyens à l’origine de ce mouvement dénoncent la politique de modération "tout simplement absurde" du réseau social. La modération (ou censure) des contenus sur le site dépend des dénonciations des utilisateurs qui les jugent choquantes. Or, de nombreuses vidéos ne sont jamais retirées, officiellement parce qu’elles "ne violent pas les normes communautaires" de l’entreprise ou parce qu’elles nécessitent un traitement au cas par cas, ardu au vu du nombre concerné.
Les lignes commencent à bouger
La pression s’exerce de façon de plus en plus forte sur l’ensemble des réseaux sociaux et commence à faire bouger les lignes. En septembre 2015, un groupe de travail réunissant les représentants européens de Facebook, Twitter et Google s’est réuni sous la houlette du ministère allemand de la Justice. L’objectif : lutter contre la propagande djihadiste, l’incitation à la haine et à la xénophobie sur les réseaux sociaux. Mi-décembre, le ministre de la Justice, le social-démocrate Heiko Maas, présentait les premiers résultats : les géants d'internet s’engageaient à supprimer, dans un délai de 24 heures, les contenus haineux. Une annonce saluée timidement par les représentants politiques, qui redoutaient qu’elle ne soit pas concrétisée dans les faits.
Après l’annonce de la constitution par Facebook de son équipe berlinoise, le ton est différent. L’écologiste Konstantin von Notz (Bündnis 90/Die Grünen), grand spécialiste d'internet, salue une mesure qui va enfin permettre d’agir efficacement sur le territoire national : "Cela fait des mois que les représentants politiques attendaient cette mesure", a-t-il ainsi déclaré.
Facebook lève son blocage
Pour Berlin, Facebook met enfin un terme au blocage. Jusqu’à présent, le réseau social, qui compte 27 millions d’utilisateurs outre–Rhin, avait toujours éludé l'idée d’une antenne en Allemagne. Pour le groupe, le travail des "Community Opérations Teams", répartis sur quatre sites en Irlande, en Californie, au Texas et en Inde, était suffisant. Les équipes disposaient d'opérateurs germanophones et étaient censées supprimer les contenus répréhensibles. Une position qui a toujours été contestée politiquement. Reléguées au rang de simples observateurs, les autorités allemandes ne pouvaient que constater l’augmentation alarmante de propos condamnables depuis l’arrivée massive des réfugiés en Allemagne (le pays en compte officiellement plus d’un million) et des messages de propagande depuis les attentats de Paris.
Contacté par Novethic sur les raisons de la persistance de ce type de propos sur sa plateforme, le réseau se tient au message officiel : "les standards de la communauté Facebook interdisent les discours de haine, de terrorisme et les menaces de violence et de mobbing" (NDLR : le mobbing, ou harcèlement moral, concerne notamment les adolescents). Seulement, en France comme en Allemagne, les émetteurs des contenus ou commentaires en question ne reçoivent de la part de Facebook qu’un message leur indiquant qu’ils enfreignent les "standards de la communauté"...
A l'heure actuelle, l'idée de dupliquer cette mesure dans d’autres pays est encore bien floue : le groupe assure qu’il va "renforcer les équipes en charge de les supprimer, en collaboration avec ses partenaires dans le monde et sous la direction de la centrale". La formule est alambiquée et Facebook n’a pas, pour le moment, souhaité l'expliciter.