Mettre son entreprise au service de la résolution des défis sociaux et environnementaux sans pour autant rogner sur la lucrativité de son modèle… C’est l’ambition des sociétés à mission, une qualité (et non un statut) offerte par la loi Pacte aux entreprises volontaires. Seulement un an après la parution du décret d’application qui en précisait les contours, une centaine - de La Camif à Danone en passant par La Maif ou Aigle- ont été séduites par cette possibilité, selon le décompte de l’Observatoire des sociétés à mission.

"Toutes les formes juridiques de ce type à travers le monde n’ont pas eu ce succès immédiat", souligne Kevin Levillain, docteur en sciences de gestion et enseignant chercheur à Mines Paris Tech/PSL Research University. Les Benefit corporation nées en Californie ont par exemple mis cinq ans à atteindre ce niveau. Ce qui fait dire à la secrétaire d’Etat à l’Économie sociale, solidaire et responsable, Olivia Grégoire, que cela répondait, "sinon à une attente, en tous cas à un vrai besoin".

Des PME jeunes et franciliennes

Source : L'observatoire des entreprises à mission

Sur les 88 entreprises recensées par l’Observatoire en décembre 2020, deux tiers sont des PME, 3 % de grandes entreprises et 33 % de micro-sociétés. Elles travaillent à 80 % dans les services, 12 % dans le commerce et 9 % dans l’industrie. On compte près d'une dizaine d'entreprises dans la finance, en revanche le secteur des transports est entièrement absent, souligne l’étude. Enfin, elles sont majoritairement franciliennes (62 % des sociétés), même si Nouvelle Aquitaine, Auvergne Rhône Alpes, Occitanie et Hauts de France sont représentées. On voit une "assez bonne représentativité du tissu économique français", estime ainsi Kevin Levillain.

Mais les sociétés à mission ont tout de même quelques signes distinctifs. D’abord, leur jeunesse. Plus de la moitié d’entre elles ont moins de 10 ans. "Si les entreprises plus anciennes sont minoritaires, cela tient probablement à ce que la culture d’entreprise et les schémas d’organisation sont beaucoup plus ancrés. S’engager dans le processus peut s’avérer plus complexe pour elles", note l’observatoire.

Source : L'observatoire des entreprises à mission

Une ouverture nécessaire pour passer à l’échelle

Autre point de différenciation : la "mission" est souvent ancrée dans le business model de l’entreprise dès sa création. Une sur cinq est née avec une intention d'avoir un impact positif et l'a rapidement traduit par sa qualité d'entreprise à mission. Par ailleurs, 11 % sont issues de l’économie sociale et solidaire (ESS) et près de 15 % ont également le label international B corp, accordé aux entreprises qui ont une forte maturité sur les sujets de responsabilité sociétale (RSE). Cela n'est pas surprenant quand 36 % des entreprises expliquent leur démarche par l’envie "d’adresser les enjeux de transition économique, sociale et écologique" ou "préserver des écosystèmes naturels ou des biens communs".

Mais les promoteurs de la société à mission ne veulent pas limiter ce potentiel de transformation aux seules entreprises à mission "par essence". Lors de la présentation des résultats à Bercy, la Communauté des entreprises à mission, qui a créé l’Observatoire, a mis en avant des sociétés "classiques", comme Anaïk spécialisée dans les cadeaux d’entreprises. Sa démarche l'a conduit à revoir la façon de concevoir et promouvoir son offre en axant sur l’écoconception. Ces exemples visent à inspirer un nombre croissant d’entreprises à s’engager. La communauté espère compter 10 000 entreprises à mission d’ici 2025.