Publié le 02 février 2018

ENTREPRISES RESPONSABLES

[Décryptage] Pourquoi Mark Zuckerberg sera Président des États-Unis

Les entreprises, du moins les plus puissantes de la planète, entrent de plus en plus concurrence avec les États sur les sujets de société, voire sur les pouvoirs régaliens. Une évolution qui ne déplaît pas à la population, jugeant que  les gouvernements sont défaillants. De là à voir un chef d’entreprise Président, il n’y a qu’un pas que 45 % des Français sont prêts à franchir.

Mark Zuckerberg, Président de Facebook, et Narendra Modi, Premier ministre de l'Inde.
Facebvook

Au printemps, la France va engager une discussion parlementaire sur la loi Pacte qui doit définir ou redéfinir le rôle de l’entreprise et notamment son engagement dans la société et pour l’intérêt général… Mais ce débat n’est-il pas déjà obsolète ? Les populations comptent d’ores et déjà davantage sur les entreprises que les gouvernements pour changer la société, reflète l’étude "L’Observatoire des marques dans la Cité " d’Havas.

"Frustrés ou déçus par la politique traditionnelle, ils comptent sur eux-mêmes mais se tournent aussi vers les entreprises pour prendre le relais et pallier le pouvoir jugé parfois défaillant des États", explique Julien Carette, président de l’agence Havas Paris. Cette attente est apparue dès la COP21, assure l’entreprise et ne fait que s’accroître depuis. 60 % de Français disent que "les entreprises ont un rôle plus important que les gouvernements pour bâtir un avenir meilleur", ajoute Benoit Lozé, directeur du planning stratégique. Un point de bascule alors que jusqu’à maintenant cette opinion était minoritaire dans la société.

Les investisseurs n’en pensent d’ailleurs pas moins avec la naissance d’un leitmotiv innovant venu de Californie qui dit : "Making good while making money" (Faire le bien tout en faisant de l’argent). Une pensée dans la ligne de celle de Larry Flink, président du plus grand fonds de gestion de la planète BlackRock : "La société exige que les entreprises servent un objectif social. De nombreux gouvernements échouent à préparer l’avenir. Par conséquent la société se tourne vers le secteur privé".

Des marques anti-Trump

Le fait est que les entreprises se saisissent spontanément des sujets de société. "Nous entrons dans une ère de post RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), où il ne s’agit plus de seulement de gérer des sujets environnementaux aux portes de l’entreprise, mais de s’emparer de thèmes qui vont au-delà de son propre business", explique Julien Carette.

Les exemples sont légion, en particulier aux États-Unis. On y a vu Starbucks et Airbnb s’opposer au décret anti-migrants décidé par La Maison Blanche. Johny Walker a pris position contre le mur de séparation avec le Mexique. On a même vu l’emblématique bière américaine Budweiser rappeler que son origine provenait d’un migrant allemand vers le nouveau monde. Plusieurs entreprises ont également pris position contre la remise en cause de la neutralité du web.

Le contre-pouvoir principal provient des FATGASBAM, acronyme barbare qui regroupe les neuf entreprises considérées comme les plus puissantes et influentes de la planète : Facebook, Amazon, Tencent, Google, Apple, Samsung, Baidu, Alibaba, Microsoft. À elles seules, elles représentent 3 140 milliards de dollars de capitalisation, soit le PIB de l’Allemagne. Une puissance telle que le Danemark a nommé un ambassadeur auprès d’elles : Casper Klynge. "Dans l’avenir nos relations bilatérales avec Google seront aussi importantes que celles que nous avons avec la Grèce", explique-t-il.

Sécurité, monnaie et pouvoir législatif

Ces sociétés s’emparent des sujets qui devraient être politiques. Havas prend pour exemple la place des robots. On a vu une empoignade sur le sujet entre le patron de Tesla -Elon Musk- et celui de Facebook - Mark Zuckerberg. Le premier juge qu’il faut légiférer sur leur utilisation, en particulier dans le cas des robots militaires. De son côté, le patron du réseau social minimise le danger. Et si les parlements et gouvernements n’interviennent pas sur ce thème, c’est par manque de compétences, déplore un spécialiste.

Au-delà de ces concepts, les États "sont déjà challengés sur des sujets régaliens", assure Havas. L’agence cite la sécurité avec l’émergence de milices et d’armées privées, la monnaie avec l’émergence de plus 1 500 crypto-monnaies représentant 500 milliards de dollars en circulation et les lois. Sur ce dernier point, les analystes rappellent qu’il y a 20 lobbyistes à Bruxelles pour un parlementaire.

Et "l’essor de la bockchain fait que le protocole informatique se substitue peu à peu à l’institution", expliquent-ils. Un exemple concret : au Ghana, 90 % terres agricoles ne sont pas cadastrées. Aussi, ce sont des startups spécialisées dans les nouvelles technologies de l’information qui ont pris en charge le registre de ces terres et la gestion des éventuelles transactions financières afférentes.

Des entreprises qui vont trop loin?

Ce poids des entreprises va en réalité plus loin que ce qu’attend la population, qui préférerait tout de même que les pouvoirs régaliens restent dans les mains des États. En revanche, les entreprises sont attendues sur des sujets de transformations de la société comme la réduction du chômage, l’insertion des jeunes, l’égalité hommes/femmes… Autant de points où le pouvoir des États apparaît de plus en plus limité.

De là, à ce que le futur Président des États-Unis ou de la République soit un chef d’entreprise il n’y a qu’un pas. Pour 45 % des Français interrogés par Havas, il y a même un souhait clairement exprimé "qu’un grand patron français se présente un jour à l’élection présidentielle". Aux États-Unis, cela pourrait être la réalité dès 2022 puisque les rumeurs sont insistantes sur une candidature de Mark Zuckerberg. Il a d'ailleurs réalisé en 2017 un tour d’une trentaine d’États pour rencontrer les Américains… Opération que les commentateurs ont clairement comparé à une pré-campagne.

Ludovic Dupin, @LudovicDupin


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