Publié le 23 juin 2017
ENTREPRISES RESPONSABLES
Un reporting climat qui manque encore de pertinence
Les entreprises identifient de mieux en mieux le risque que fait peser le changement climatique sur leur business. C’est l’une des avancées de l’article 173 de la loi de transition énergétique, qui demande aux entreprises de réaliser un reporting climat détaillé. Pour autant des efforts restent à faire car seulement 20 % des grandes entreprises françaises analysées dans une enquête EY avancent des objectifs alignés sur une limitation du réchauffement climatique à 2 °C d'ici la fin du siècle.

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Aujourd’hui "le risque climat est identifié par la plupart des entreprises comme un risque majeur", assure le cabinet de consulting EY dans son étude sur l’intégration du climat à la stratégie des entreprises française (1). Une prise de conscience qui date de quelques années mais qui a été renforcée par la COP21 et la loi de transition énergétique (article 173).
Cependant, seules 20 % des entreprises ont des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre alignés sur la trajectoire de l’Accord de Paris, c’est-à-dire sur une limitation de la hausse de la température globale à 2 °C maximum d’ici la fin du siècle.
C’est par exemple le cas de Total qui a publié dès mi-2016, un rapport annuel détaillant comment le groupe intègre le climat dans sa stratégie. Il y publie sa feuille de route 2 °C, en insistant sur l’importance du prix du carbone comme élément clé de changement. Comme près de la moitié des entreprises du panel, Total s’est fixé un prix interne de la tonne de CO2 (entre 30 et 40 dollars en 2016) pour mieux identifier les risques mais aussi mieux orienter ses investissements et/ou lancer des émissions vertes (green bonds).
90 % des entreprises publient leurs émissions
Cela ne veut pas dire que les autres entreprises ne sont pas concernées. "Certains entreprises étaient déjà mobilisées depuis longtemps mais pour d’autres, particulièrement les moins émettrices de CO2, le fait d’inscrire noir sur blanc les questions climatiques dans le rapport du président et dans les éléments communiqués au Conseil d’administration grâce à l'article 173 a pu accélérer les choses", souligne Alexis Gazzo, associé chez EY.
Ainsi, 90 % des entreprises du panel publient aujourd'hui leurs émissions directes de gaz à effet de serre. 62 % l’élargissent aux émissions indirectes et induites, telles que l'extraction de matériaux achetés pour la réalisation du produit de l'entreprise ou les émissions liées au transport des salariés et des clients. Et plus du deux tiers des entreprises du panel ont mis en place des objectifs quantitatifs.
Un reporting qui manque encore de pertinence
Des chiffres qui masquent toutefois "une réalité dans la qualité des informations traitées sachant que les postes d’émissions de gaz à effet de serre identifiés sur la chaîne de valeur ne sont pas toujours les plus pertinents", souligne l’étude. "Cela est dû à la complexité de la prise en compte des émissions indirectes mais aussi à une question de gouvernance : la prise de conscience doit encore progresser chez les PDG et administrateurs", assure Alexis Gazzo.
Car même quand elle existe, la prise de conscience de l’importance du changement climatique n’est pas toujours accompagnée de mesures de maîtrise du risque. Ainsi seule la moitié des entreprises du panel ont conduit une analyse de leur risque climat et 25 % précisent de manière détaillée ces risques. Quant aux opportunités de business, elles ne sont identifiées que par les entreprises de secteurs comme l’automobile, de l’immobilier et de l’énergie ; des secteurs émetteurs, confrontés depuis longtemps à ces questions.
"Les entreprises ne doivent surtout pas prendre l’article 173, comme une simple nouvelle obligation, conclut Alexis Gazzo. Ce serait voir les choses par le petit bout de la lorgnette car c’est une formidable opportunité pour les entreprises de mieux se préparer aux défis de demain."
Béatrice Héraud @beatriceheraud
(1) Intégrer le climat à la stratégie des entreprises : quelles réponses à l’article 173 ? quelles opportunités ? Juin 2017, EY. 40 entreprises du SBF 120 interrogées, dans 8 secteurs d’activité.