Publié le 16 mai 2019
ÉNERGIE
Baisse des impôts, primes aux ménages modestes, nouveaux services : les pistes piochées à l'étranger pour relancer la taxe carbone
Freinée en fin d’année dernière avec le soulèvement des Gilets jaunes, la taxe carbone française, qui figure parmi les plus élevées au monde, pourrait être mieux acceptée si l’Exécutif tirait les leçons des expériences étrangères. C’est ce que conclut une nouvelle étude de l’institut I4CE. Le FMI de son côté estime que c’est l’instrument le plus efficace pour lutter contre le changement climatique.

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La France est loin d’être une exception. Actuellement, à travers le monde, il existe 25 taxes carbone et 26 marchés de quotas d’échange. De quoi couvrir 60 % du PIB mondial. Ces instruments de tarification du carbone ont permis de collecter 45 milliards de dollars (40 milliards d’euros en 2018), contre 32 milliards en 2017 et 22 milliards en 2016, selon le tout dernier panorama dressé par I4CE, l’Institute for Climate Economics.
Alors que la taxe carbone française aurait dû passer de 44,6 euros à 55 euros au 1er janvier 2019, le gouvernement a annoncé, début décembre, une annulation de cette hausse face au mouvement des Gilets jaunes. Les opposants dénonçaient un nouvel impôt qui n’allait pas directement à la transition écologique mais qui venait boucher les trous du budget global, et une taxe injuste pour les plus modestes qui n’ont pas forcément d’alternative à la voiture pour se déplacer ou aux énergies fossiles pour se chauffer.
15 % du salaire du ministre indexé sur la neutralité des prélèvements
Si elle a complètement été élucidée par Macron dans ses annonces post-Grand débat national, la taxe carbone pourrait être relancée en "tirant les leçons des expériences étrangères" estiment les chercheurs de I4CE qui veulent ainsi relancer le débat. Leur étude de cas (1) va sans aucun doute venir alimenter les discussions qui se tiendront au sein de la future Convention citoyenne sur le climat qui doit réunir 150 Français tirés au sort.
D’abord, explique l’institut, l'Exécutif doit faire preuve de transparence quant à l’usage des recettes de la taxe. En Colombie-Britannique, le ministre des Finances était jusque-là tenu de rendre compte devant l’Assemblée du respect de l’engagement de neutralité des prélèvements obligatoires (équilibre entre hausse des taxes et baisse des impôts). 15 % de son salaire y est conditionné ! Ainsi, jusqu’en 2017, tous les revenus de la taxe carbone ont été redistribués aux entreprises et aux ménages sous forme de réductions d’autres taxes.
De grandes émeutes en Indonésie
Autre apprentissage à retenir : donner à voir les contreparties notamment pour les plus modestes. En Californie, toutes les recettes du marché carbone alimentent un fonds public, alloué à 60 % à des programmes de développement et de modernisation de logements et de transports en commun durables. En outre, 35 % de ces fonds doivent bénéficier à des communautés défavorisées. Chaque année, 200 réunions publiques sont organisées pour décider de l’utilisation des recettes.
Enfin, dernier conseil à suivre proposé par I4CE, "savoir entendre les critiques et s’adapter". L'organisation rappelle que la mise en place d’instruments de tarification du CO2 n'a pas non plus été un long fleuve tranquille ailleurs dans le monde. En Indonésie, des émeutes de grande ampleur ont éclaté lorsque le gouvernement a voulu réduire ses subventions aux énergies fossiles. Pour mieux faire avaler la pilule, deux milliards de dollars ont été redistribués aux ménages les plus modestes via des transferts mensuels de 10 dollars par ménage. Avec succès.
Outil le plus efficace pour lutter contre le changement climatique
Pour l’instant, plus de 75 % des émissions régulées par une taxe ou un marché carbone sont couvertes par un prix de la tonne de CO2 inférieur à 10 dollars. Or, pour être alignés avec les objectifs de l’Accord de Paris, les experts recommandent des prix du carbone compris entre 40 et 80 dollars par tonne de CO2 en 2020, puis entre 50 et 100 dollars en 2030, partout dans le monde.
Le FMI, lui-même, a récemment défendu le prix carbone comme l’outil "le plus efficace pour lutter contre le changement climatique". Sur les 16 pays ayant mis en place la taxe carbone, le FMI estime que 44 % des recettes ont été employées pour baisser d'autres impôts, 28 % pour abonder les caisses de l'État sans affectation précise, et 15 % seulement pour des dépenses environnementales.
En Chine, premier émetteur de la planète, en Inde ou en Afrique du Sud, une taxe carbone de seulement 35 dollars réduirait de 30 % les émissions polluantes, ces pays utilisant de manière intensive le charbon. En parallèle, il faudrait supprimer les subventions aux énergies fossiles, qui atteignent, toujours selon le FMI, 5 200 milliards de dollars, soit 6,5 % du PIB mondial. Sans subventions, les émissions de CO2 seraient 28 % inférieures.
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir l'étude de I4CE.