Publié le 13 avril 2023
ÉNERGIE
Le Parlement refuse le candidat de l’Élysée, Boris Ravignon, à la présidence de l’Ademe, une première !
Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières (Ardennes), avait été désigné en décembre par l’Élysée pour prendre la présidence de l’Ademe, l’agence publique environnementale. Il assurait, depuis, l’intérim de son prédécesseur, parti en juin 2022. Mais sa nomination officielle a été retoquée par les parlementaires qui l’ont auditionné le 12 avril.

@Sénat
L’article 13 de la Constitution prévoit, depuis 2018, que les candidats à la présidence d’une organisation comme l’Ademe soient approuvés par le Parlement à la suite d’une audition devant les députés et les sénateurs. Boris Ravignon, actuel maire de Charleville-Mézières (Ardennes), avait passé une première fois l’épreuve le 14 décembre dernier. Le président de la Commission développement durable de l’Assemblée Nationale lui avait rappelé l’attachement des parlementaires au rôle de l’Ademe, "opérateur central pour la transition écologique de la France et dont la qualité de l’expertise et l’ampleur du périmètre d’action justifie l’attention portée par les parlementaires au recrutement de son Président".
Ce premier round d’audition devait valider la candidature de Boris Ravignon, qui préside l'agence par intérim depuis que son prédécesseur, Arnaud Leroy, a quitté ses fonctions en juin 2022. Questionné sur son intérêt pour les questions environnementales, Boris Ravignon l’avait daté de son passage au cabinet ministériel de Nicolas Sarkozy dans le cadre du Grenelle de l’environnement de 2008. Il avait déjà à ce moment-là rencontré des réticences puisqu’il n’avait obtenu qu’une majorité très relative d’avis favorables à l’Assemblée Nationale. Les Sénateurs s’étaient eux majoritairement opposés à sa nomination. Quatre mois plus tard, les élus LR sont venus en force à la commission pour s’opposer à la nomination du président de l’Ademe, pourtant issu de leurs rangs.
Cumul de mandats
Le vote négatif témoigne des tensions politiques du moment et a surpris tous ceux qui s’attendaient à une simple formalité, à commencer par Boris Ravignon qui assurera son propre intérim jusqu’à la désignation d’un nouveau candidat. Cette audition, liée au renouvellement du conseil d’administration de l’Ademe intervenu en mars, est devenue une affaire d’Etat, les parlementaires estimant être traités avec désinvolture sur ce poste clef de la politique publique environnementale. "Ce vote traduit le mécontentement du Parlement devant une telle impréparation, nouvelle manifestation du manque de considération de l’exécutif à son égard", explique le communiqué de presse du Sénat.
Le point bloquant pour la nomination de Boris Ravignon aurait été sa volonté de conserver son mandat de maire de Charleville-Mézières et de président d'Ardennes Métropole, tout en reversant ses indemnités à ces deux collectivités locales. L’ex-futur président de l’Ademe a utilisé l’argument habituel de ceux qui sont favorables au cumul des mandats en déclarant : "Pouvoir être en même temps président et élu local me permettrait d'être un meilleur président de l'Ademe".
Pourtant l’article que Ouest France consacrait au sujet le 3 avril dernier, soulignait que le rythme infernal du nouveau président, premier à cumuler ces deux types de fonction depuis trente ans, inquiétait les salariés. "Il enchaîne les rendez-vous et déplacements à toute vitesse qui sont souvent annulés ou reportés" racontait le journal expliquant que "deux des trois syndicats n’avaient toujours pas réussi à obtenir un entretien en trois mois selon une responsable syndicale".
Enquête pour soupçon de favoritisme
Boris Ravignon a assuré aux équipes de l’Ademe qu’il resterait en poste le temps de lui trouver un successeur pour permettre la continuité de l’activité de l’agence. Un élément rassurant dans une période de grandes perturbations puisqu’il y a quelques jours les sièges d’Angers et Montrouge de l'agence ont été perquisitionnés dans le cadre d’une enquête pour soupçon de favoritisme sur des marchés publics. Cela fait suite au conflit ouvert en 2021 sur les programmes de lutte contre les émissions de CO2 du transport de marchandises.
Les magistrats enquêtent à la suite d’une plainte de Philippe Mangeard, le dirigeant de TK Blue qui s’oppose à l’Ademe sur les conditions d’attribution des programmes d’Engagements Volontaires pour l’Environnement (EVE), lancés en 2018 et renouvelés en 2021 et l’absence d’appels d’offres pour le marché public de la gestion d’une plate-forme d’échanges de données environnementales entre les transporteurs et l’administration. Le dirigeant de TK Blue estime avoir été lésé de la possibilité d’obtenir ce marché puisqu’il n’y a pas eu d’appel d’offres et a porté plainte au pénal contre le précédent président de l’Ademe pour "atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession".
Il est dommage que l’Ademe ne fasse pas la Une de l’actualité pour son cœur de métier : la transition écologique de la France. Elle publie pourtant de nombreuses études comme celle expliquant que les Français seraient prêts à changer de mode de vie ou celle très importante sur les différents scénarios qui s’imposent à la France si le pays s’engage sérieusement sur la voie de la neutralité carbone. Il serait souhaitable que le (la) prochain(e) président(e) puisse porter haut et fort ces dimensions à travers son engagement environnemental.