Publié le 28 janvier 2019
ÉNERGIE
D’une géopolitique du pétrole à une géopolitique des énergies renouvelables
Si la géopolitique du pétrole était loin d’être simple, celle des énergies renouvelables semble encore plus complexe. Elle est multifactorielle et implique de nombreuses rétroactions plus ou moins négatives. Ainsi, entre criticité des matières premières, transfert de technologies vers les pays en développement et inclusion des pays pétroliers, il y a fort à faire pour ne pas freiner la transition énergétique.

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Les enjeux liés à l’accessibilité au pétrole et à la maîtrise du prix du baril ont dicté la géopolitique mondiale durant ces dernières décennies. Elle a dicté les motivations de nombreuses négociations internationales et plusieurs conflits armés. À l’heure du besoin impérieux d’une décarbonation du mix énergétique mondial, apparaît une nouvelle géopolitique : celle des énergies renouvelables et des technologies bas carbone. Elle est peut-être encore plus complexe. Et, mal conduite, elle finira par ralentir la transition écologique.
C’est du moins l’hypothèse de chercheurs de l’IFP Energies nouvelles (IFPEN) et l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Dans le cadre du projet ANR Generate sur la Géopolitique des énergies renouvelables et analyse prospective de la transition énergétique, ils publient une étude détaillées sur les nouvelles politiques énergétiques et des investissements dans les énergies renouvelables (ENR).
Le cuivre au cœur de la transition
Il en ressort trois nouvelles formes de géopolitiques. La première, la plus connue, est celle de la stratégie internationale liée aux matières premières nécessaires aux énergies renouvelables et aux batteries. "L’ensemble des innovations de décarbonation est dépendant in fine de la disponibilité de minerais devenus stratégiques au cours de leur déploiement", écrivent les auteurs. Ils assurent que si l’on prend toujours en exemple le lithium, le cobalt ou les terres rares, c’est pourtant le cuivre qui a le plus grand taux de criticité.
"Une turbine éolienne de 2 MW onshore consomme ainsi, à elle seule, près de 1,55 tonne de cuivre pour sa construction et son raccordement au réseau", calcule le rapport. "Des métaux qui ne trouvaient jusqu’à présent des applications que dans un nombre réduit de secteurs deviendront déterminants pour respecter les engagements de réduction des émissions", ajoutent les auteurs qui appellent les pays à un travail de prospective et au recyclage.
Besoin de transferts de technologies
La deuxième forme de géopolitique, moins connue, est celle des brevets et de la propriété intellectuelle. "L’innovation dans les technologies et sa protection sont au cœur de la géopolitique en devenir des énergies renouvelables", explique l’IFPEN dans un communiqué.
"Dans un scénario extrême, peu de pays détiennent l’ensemble des droits de propriété sur les technologies ENR, maintiennent leur leadership dans ces secteurs et peuvent ainsi vendre ces technologies au prix fort. La boucle de rétroaction qui se forme devient alors négative puisque les pays consommateurs de ces technologies se montreront réticents à prendre des engagements ambitieux de réduction de leurs émissions", explique le rapport.
"La propension d’un pays à ratifier un accord international ambitieux portant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre sera, par exemple, d’autant plus forte que celui-ci disposera d’actifs technologiques importants dans les secteurs de la transition bas-carbone", peut-on lire. "Dans cette optique, des efforts de négociations ne doivent donc pas porter exclusivement sur les objectifs de réduction des émissions de GES, mais aussi de nouveaux outils traitant du transfert de technologie et du cofinancement des projets de R&D".
Inclure les pays pétroliers
Enfin, la troisième forme de géopolitique sera liée à la stratégie des États producteurs de pétrole. "Les pays producteurs d’hydrocarbures disposent d’une influence majeure sur la transition énergétique. En cas de forte incertitude sur la pérennité des politiques climatiques, les pays producteurs d’énergies fossiles seront incités à maintenir la dépendance des pays consommateurs en favorisant des prix relativement bas".
"L’adaptation d’un certain nombre de pays exportateurs d’hydrocarbures à la transition énergétique mondiale constituent un enjeu géopolitique essentiel", écrivent les auteurs. Ils appellent ainsi les dirigeants à garder en tête que ces pays pétroliers vont jouer un rôle clé dans la transition et qu’il est important de les accompagner.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin