Publié le 09 octobre 2014
ÉNERGIE
Chantal Jouanno : "Le projet de loi sur la transition énergétique manque de crédibilité."
L’ancienne secrétaire d’Etat de François Fillon estime que le texte actuellement débattu devant l’Assemblée nationale ne changera pas la société française en profondeur. C’est pourtant l’ambition de Ségolène Royal. Pour Chantal Jouanno, un tel bouleversement de société passe par une refonte de la fiscalité. Ce que refuse obstinément la ministre de l’Ecologie, comme l’illustre le report sine die de l’écotaxe.

© Johanna Leguerre / AFP
Quelle appréciation portez-vous sur le texte de loi actuellement défendu par Ségolène Royal devant l’Assemblée nationale ?
Il présente à mes yeux deux lacunes. La première, c’est son financement. La seconde est la conséquence de la première : ce texte pose un problème de crédibilité. Cette loi contient beaucoup de dispositions très utiles pour le développement écologique. Je pense par exemple aux facilitations administratives pour les énergies renouvelables. Mais ce n’est pas une grande loi. Car il s’agit essentiellement d’adaptations. Le projet n’a pas de grande ambition parce que, justement, le financement est absent. On nous parle de 10milliards d’euros dédiés à cette transition énergétique. Mais il n’y a aucun financement nouveau. Il s’agit de flécher des fonds vers des projets écologiques. Mais, dès lors que l’on ferme la porte à toute fiscalité écologique comme le fait Ségolène Royal, nous sommes dans l’incapacité de financer cette transition écologique ! Pour résumer, je dirais : grandes ambitions, petits moyens.
La position de la ministre sur cette question de la fiscalité écologique est-elle dogmatique ?
Cette question est pour moi le cœur du sujet. Il ne peut pas y avoir de changement de modèle de société si l’on n’adapte pas la fiscalité. Car la fiscalité c’est justement le reflet de notre vision de la politique. Quand elle dénonce une fiscalité écologique punitive, elle dit deux choses. D’une part, qu’elle n’effectuera aucune réforme structurelle, ce qui bloquera le changement des systèmes de consommation et de production. Et, d’autre part, que l’écologie ne peut être, par essence, que punitive. Cela revient à dire que l’on peut instaurer des impôts sur à peu près tout sauf sur l’écologie. Or tout le débat aujourd’hui tourne bien autour de cette question. En termes de fiscalité verte, la France est actuellement à l’avant-dernière place en Europe.
Sur cette question, quelles sont vos propositions ?
Le vrai sujet de la France, c’est de basculer la fiscalité qui pèse sur le travail sur la pollution et les facteurs de dégradation de l’environnement. On taxe trop le travail, pas assez les pollueurs. Il faut ajouter à cela que nous avons des dépenses fiscales favorisant les énergies fossiles qui sont considérables.
Vous êtes sénatrice. Sur quoi allez-vous mettre l’accent lorsque le texte arrivera devant la Haute Assemblée ?
La rénovation énergétique des bâtiments est un sujet central. Nous proposerons (avec le groupe UDI, NDLR) des amendements ambitieux sur cette question. Sur les dispositions en faveur du véhicule électrique, je suis en revanche assez réservée. Il ne faut pas favoriser une solution plus qu’une autre, mais, au contraire, s’orienter vers une logique de développement d’un bouquet de solutions pour développer la mobilité propre. Il faut fixer le cap, à savoir réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais les choix pour y parvenir doivent rester libres. Les études de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) le montrent bien, avec un mix entre véhicules hybrides, électriques, hybrides rechargeables et voitures à faible consommation. Achetons des points de mobilité plutôt que des véhicules ! Malheureusement, ce texte ne contient rien sur cette question.
Lorsque vous étiez secrétaire d’Etat au Développement durable (2009-2010), vous aviez porté devant le Parlement les lois issues des Grenelle de l’environnement. A l’époque, le climat était à la concorde politique sur l’écologie. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ?
Non. Le consensus de l’époque autour de ces sujets a disparu. La question de l’écologie s’est repolitisée, ce qui n’était pas le cas pendant la période Grenelle. Cette repolitisation date de 2010, 2011. On le voit bien aujourd’hui au sein des partis politiques ou entre les formations politiques. Je le regrette.
Où se situe le clivage ? Celui entre la droite et la gauche ne semble pas si pertinent dans ce domaine…
Il se situe entre productivistes et non productivistes. Il traverse les partis. Les productivistes sont largement majoritaires au PS et à l’UMP. Sur ce texte de loi, ce clivage s’incarne sur la question du nucléaire. Un sujet qui a le défaut de polariser les débats. Mais si on évoque ce sujet particulier, on remarque qu’il existe des pro- et des anti-nucléaires dans chaque parti. C’est le cas dans ma propre formation politique, à l’UDI.