Publié le 04 juillet 2014
ÉNERGIE
Biomasse: la transformation de la plus grande centrale à charbon du Royaume-Uni suscite la polémique
Ségolène Royal veut faire de la biomasse l'un des fers de lance de la transition énergétique. Une expérience qui peut être risquée. En Grande Bretagne, l'une des plus grandes centrales à charbon du pays est en cours de transformation: la biomasse remplacera prochainement la houille. Pourtant, les associations environnementales restent très critiques sur le projet. Selon elles, brûler massivement du bois importé pour produire de l’électricité ne répond pas aux problèmes environnementaux posés par les énergies fossiles. Derrière la campagne contre Drax, c’est la politique énergétique du Royaume-Uni.

© Paul Glazard
Reconvertir la centrale à charbon la plus polluante du Royaume-Uni en centrale à biomasse. Quelle meilleure image pouvait symboliser la volonté du Royaume-Uni de devenir un marché d’électricité sobre en carbone ? La société britannique Drax fait ainsi partie des huit projets d’énergies renouvelables retenus fin avril dernier par le gouvernement britannique pour bénéficier de prix garantis pendant 15 ans. Drax a en effet transformé l'une de ses six unités charbon afin de brûler de la biomasse. Après cette première mise en service en avril 2013, Drax prévoit de convertir deux autres unités en 2015.
Le projet est pourtant dénoncé comme du greenwashing (blanchiment écologique) par les organisations écologistes britanniques. "Drax se qualifie de plus grosse centrale électrique en énergie renouvelable, mais derrière la façade vert clinquant il y a surtout un incinérateur géant alimenté par des forêts et du charbon", estime Duncan Law, de Biofuelwatch. Drax reste en effet une centrale à charbon, puisque, à terme, la moitié de son activité continuera d’être alimentée par le minerai fossile.
Le bilan carbone de la biomasse contesté
Selon Biofuelwatch, brûler du bois importé pour produire de l’électricité n’est pas une solution écologique. Drax importe déjà majoritairement du bois d’Amérique du Nord pour alimenter sa première unité. A pleine capacité, cette dernière devrait consommer près de 5 millions de tonnes de bois chaque année.
Soit, à elle seule, l’équivalent de la moitié des ressources en bois du Royaume-Uni ! Pour l’organisation non gouvernementale (ONG), cette demande massive de bois sur le marché international va favoriser la déforestation, l’accaparement des terres pour des plantations industrielles, l’importation illégale de bois, etc.
Le bilan carbone de la biomasse est lui aussi contesté. "Drax prétend améliorer ses émissions de carbone de 80 % par rapport au charbon, mais la société ne compte pas le CO2 libéré par le bois brûlé !", s’indigne Ducan Law.
Drax ne fait pourtant que suivre le mode de calcul européen : la biomasse est "neutre en carbone" puisque le CO2 libéré par la combustion est à nouveau stocké dans de futures plantations. Cette hypothèse est pourtant largement remise en question, notamment par l’Agence européenne de l’environnement (AEE). Le calcul est bien plus complexe et dépend notamment de la nature du bois brûlé et de l’utilisation des terres par la suite. L’ONG Carbon Trade Watch épingle la prétendue neutralité carbone de la biomasse dans son rapport intitulé "Rien n’est neutre ici".
Une plainte à Bruxelles contre le gouvernement britannique
Derrière la campagne contre Drax, c’est la politique biomasse du Royaume-Uni qui est dans le collimateur des ONG écologistes. Les Amis de la terre Angleterre reprennent les arguments contre l’industriel dans un rapport explicite sur "Pourquoi brûler des arbres pour produire de l’électricité ne devrait pas être subventionné par les fonds publics", publié en mai dernier.
L’ONG a par ailleurs porté plainte auprès de l’Europe contre son gouvernement pour la garantie publique d’un prêt de 75 millions d’euros accordé à Drax. Cette aide faite au nom de la politique climatique serait trompeuse et donc sous le coup des règles européennes de la concurrence, selon l’ONG.
Une étude commandée par le Bureau européen de l’environnement (BEE) confirme les failles de la politique biomasse européenne. Publiées en mai dernier, les conclusions montrent que l’Europe devra importer à l’horizon 2030 près d’un tiers du bois nécessaire à sa politique énergétique et que la baisse des émissions ne serait que de 20 %.
Constructive, l’étude souligne néanmoins que la biomasse peut être une solution efficace à condition de valoriser les ressources locales de résidus forestiers et agricoles. Les politiques énergétiques européennes, déconnectées des filières bois et agriculture, n’en prennent pas encore le chemin (voir l’exemple français).