Publié le 26 février 2019
ÉNERGIE
À la centrale de Cordemais, EDF tente de remplacer le charbon par des déchets de bois
Menacée de fermeture, la centrale à charbon d'EDF à Cordemais, en Loire-Atlantique, pourrait finalement continuer à fonctionner après la date de 2022 grâce à son projet "Écocombust" de fabrication de biomasse. L'électricien tente de remplacer progressivement le charbon par des granulés de bois issus de déchets d'ameublement ou de construction. Pour les ONG, cela constitue un "obstacle à la transition écologique".

@CC0 / Liberliger
Remplacer le charbon par de la biomasse issue de déchets de bois pour faire tourner sa centrale, c’est ce que se propose de faire EDF à Cordemais (Loire-Atlantique), dans l’estuaire de la Loire. Alors que le gouvernement a promis de fermer les quatre dernières centrales à charbon du territoire d’ici 2022, l’électricien national carbure pour trouver une alternative. Il a déjà obtenu une première victoire en ce début d’année en faisant sauter le verrou du calendrier.
La centrale pourra utiliser des volumes réduits de charbon après cette date, pour garantir l'approvisionnement en électricité de la Bretagne, à condition que son projet de conversion à la biomasse réussisse. EDF teste depuis 2015 un dispositif de co-combustion baptisé "Écocombust". L'objectif est de parvenir à un ratio à 80 % de biomasse et 20 % de charbon à l'hiver 2022/2023, avant d'atteindre 100 % de biomasse à horizon 2025/2027. Un enjeu important pour la sécurité d'approvisionnement de la Bretagne, selon les autorités.
Entourloupe d'EDF
Mais la polémique fait rage autour du combustible de la centrale. EDF avait d’abord envisagé de valoriser du ligneux local. Mais faute de quantité suffisante, il aurait dû en importer de l’étranger, ce qu’il veut éviter. L’électricien a finalement décidé de tester la fabrication de biomasse à partir de déchets de bois de classe B (issus de l’ameublement, de l’emballage ou du bâtiment). Ils "ne trouvent pas d’usage aujourd’hui et sont le plus souvent enfouis ou mis en décharge", précise l'entreprise qui veut lancer "une nouvelle filière locale".
Levée de boucliers du côté des ONG. Les Amis de la Terre France et le Réseau Action Climat ont publié dans la foulée un rapport (1) qui dénonce "l’entourloupe d’EDF" pour gagner du temps sur la fermeture prévue des centrales à charbon. "Il est essentiel de respecter le principe de hiérarchie et d’utiliser ce gisement de bois de classe B pour la fabrication de panneaux pour la construction plutôt que la valorisation énergétique. Sinon, les industriels (de la construction et de l'ameublement, ndr) n'auront pas d'autre choix que de se tourner vers la forêt. Le projet Ecocombust pourrait donc entraîner indirectement une déforestation importante".
Elles mettent en avant qu’aucun exploitant au monde n’a réussi à passer au stade industriel pour la production de ce combustible. "La seule possibilité pour avoir des granulés de qualité constante et compatible avec l’installation existante est d’utiliser du bois issu directement de forêts", assurent les auteurs du rapport.
Angles morts
Pourtant, la centrale a mené avec succès un essai à 80 % de biomasse produite sur place et 20 % de charbon pendant quatre heures. EDF va désormais passer à la phase de semi-industrialisation pour déterminer les impacts environnementaux et économiques. Il s'agit de prouver la robustesse de son modèle. D’ores et déjà, EDF avance une réduction des émissions annuelles de CO2 de 25 % par rapport à la situation actuelle. Le gouvernement devra se prononcer sur le projet à l’automne prochain.
Dans une lettre ouverte au Parlement européen, plus de 700 scientifiques ont alerté l’année dernière sur les risques associés à un développement massif des utilisations énergétiques du bois. Ils évoquent l'intensification des prélèvements, la baisse des volumes de bois mort en forêt indispensable pour la biodiversité, la conversion de forêts naturelles en plantations sous régime de coupes rases, l'utilisation croissante de pesticides et herbicides.... Outre les ONG et les scientifiques, l'association Share Action appelle aussi les investisseurs à être vigilants sur les angles morts de la biomasse et à ne plus financer de nouvelles capacités.
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir le rapport des Amis de la Terre France et du Réseau Action Climat.