Publié le 03 octobre 2014
ÉNERGIE
Voitures électriques : le choix du gouvernement contesté
Depuis le 1er octobre, le projet de loi sur la Transition énergétique est débattu à l’Assemblée nationale. Ce texte met-il la France sur la bonne voie dans le transport routier ? La volonté affichée par le gouvernement de favoriser la voiture électrique (VE) individuelle est contestée. Il est possible de développer des véhicules hybrides ou thermiques peu consommateurs. La promotion de différents types de carburants "propres" fait par ailleurs courir le risque d’installer des infrastructures qui ne seront pas rentabilisées. Les spécialistes regrettent aussi que la politique de mobilité se borne actuellement à la technologie des véhicules.

© Franck Perry / AFP
Au vu du projet de loi sur la Transition énergétique, la France est loin de pouvoir atteindre ses objectifs d’émissions de CO2 dans les transports. C’est ce que montre le transitiomètre développé par plusieurs organisations spécialisées sur les questions énergétiques. Le texte en cours d’examen au Parlement fait la part belle à l’évolution technologique des véhicules individuels. Il met surtout l’accent sur le véhicule électrique, avec un objectif: installer 7millions de points de charge d’ici à 2030.
Le projet de loi ne prend pas assez en compte la mobilité dans son ensemble, regrette Demba Diedhiou, chargé de mission Transports et mobilité durables chez FNE (France Nature Environnement). La politique mise en place ne doit pas se limiter aux véhicules. Elle doit aussi toucher à l’aménagement du territoire, notamment en veillant à intégrer dans un même quartier lieux de travail, commerces et habitations pour éviter les déplacements. Elle peut également viser à développer le télétravail via des espaces de travail partagés (espaces de co-working), organiser des dispositifs de covoiturage, d’autopartage, etc. Or, dans le projet de loi, "on n’arrive pas à voir de stratégie générale", peste Demba Diedhiou.
"Une chimère économique et technologique"
La stratégie visant à promouvoir les véhicules électriques est-elle au moins la bonne ? Yves Crozet, du Laboratoire d’économie des transports (LET), ne le pense pas. "Avec le tout électrique, on nous raconte une belle histoire, mais c’est une chimère économique et technologique. Il aurait été plus judicieux de commencer par développer les véhicules hybrides rechargeables", souligne l’économiste. D’abord parce qu’avec les hybrides disparaît la peur de la panne sèche. C’est cette peur qui oblige à installer des bornes de recharge rapides… et très coûteuses.
Ensuite parce que le coût de la mobilité avec les traditionnels moteurs thermiques ne cesse de baisser. Cela rend les véhicules électriques d’autant moins compétitifs. "Avec une heure de salaire brut, un salarié payé au SMIC peut aujourd’hui acheter deux fois plus de litres d’essence qu’avant le premier choc pétrolier. Sans compter que son véhicule consomme beaucoup moins", explique Yves Crozet. Pour lui, il n’est pas cohérent de promouvoir en même temps le tout électrique et le véhicule thermique, ou hybride, consommant 2 l/100 km.
Encourager avant tout l’utilisation de petits véhicules
Ces véhicules à 2 l/100 km, voire moins, seront bientôt disponibles. Outre leurs bénéfices environnementaux, ils permettront aux ménages de supporter des prix de carburants plus élevés (même au-delà de 3 euros par litre !). Pour Yves Crozet, une politique de mobilité devrait donc avant tout encourager l’utilisation de petites voitures, plus légères et moins consommatrices, par exemple en interdisant l’accès des centres-villes aux gros véhicules.
Au-delà du tout électrique, le projet de loi sur la Transition énergétique incite au développement des véhicules propres en en donnant une définition très large. Il y inclut, outre les VE, les véhicules fonctionnant "à l’hydrogène, aux biocarburants avancés ou au gaz naturel, dont le biométhane, le gaz naturel liquéfié (GNL) ainsi que le gaz de pétrole liquéfié".
Choisir le carburant en fonction des usages
La nouvelle réglementation européenne sur les carburants alternatifs, adoptée le 29septembre dernier, voit large aussi. Elle invite les États membres à développer à la fois les véhicules roulant à l’électricité, au GNL, au GNV (gaz naturel comprimé) et à l’hydrogène. Le risque? Dépenser des fortunes dans des infrastructures de recharge qui seront au final sous-utilisées.
Demba Diedhiou juge intéressant de diversifier le mix énergétique. À condition de développer les infrastructures à proportion du potentiel réel de marché. Le tout en recourant pour chaque usage au carburant le mieux adapté ; par exemple le gaz naturel pour du transport de marchandises ou des bennes à ordures ménagères, le VE pour des véhicules en auto-partage… Conclusion de France Nature Environnement, qui vient de publier un guide sur "La juste place de la voiture dans la mobilité de demain" (1): à l’avenir, l’usage de la voiture restera fréquent. Il est donc assurément important d’améliorer les motorisations. Mais les véhicules devront s’inscrire dans une organisation plus large en matière de transports.
(1) Ce guide associe les réflexions de FNE, Keolis, Mobivia Groupe et de la fondation PSA Peugeot Citroën.