Publié le 28 janvier 2014
ÉNERGIE
Les nouveaux ferries se veulent plus écolos
Avec la commande d'un ferry géant propulsé au gaz liquéfié (GNL) au chantier naval de Saint Nazaire, Brittany Ferries entame son virage vers une énergie moins polluante et moins chère que le gazole. Au sien du gouvernement français, on présente la commande comme un cas d'école de la filière « navire écologique » présentée fin 2013. Mais l'innovation est-elle aussi brillante qu'annoncée ?

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Boeing pousse le « diesel vert » |
Du côté du transport aérien, les constructeurs misent sur le diesel vert, en se concentrant sur la réduction des émissions CO2. Début janvier, Boeing a demandé au régulateur américain d'autoriser l'incorporation de « jusqu'à 50% de diesel vert » dans le kérosène classique. Issu d'huiles de cuisine, de graisses animales et de résidus de végétaux (et non de cultures dédiées), ce diesel a un bilan carbone inférieur de 50% au kérosène, estime l'avionneur. |
« Une évolution technologique et environnementale majeure ». C'est ainsi que les ministères du Redressement productif, de l'Ecologie et des Transports présentent le nouveau ferry commandé au chantier naval STX de Saint Nazaire (ex-chantiers de l'Atlantique). Ce ne sera pourtant ni le premier ni le plus grand des ferries propulsé au gaz naturel liquéfié (GNL) : il est devancé par le Viking Grace qui navigue depuis janvier 2013 entre la Finlande et la Suède. Mais le ferry de Brittany Ferries sera le premier à utiliser un système de stockage de gaz liquéfié « à membrane et pression atmosphérique » au centre du navire, ce qui lui permettra d'avoir une autonomie en mer de huit jours, largement supérieure au Viking, explique STX France. Le remplacement du fioul lourd par du gaz réduira drastiquement les émissions de particules fines et, si l'on ajoute les avantages sociaux (500 emplois pendant 3 ans pour STX et ses partenaires), le Cocorico entendu ces derniers jours n'a rien d'étonnant. En revanche, un fait a été passé sous silence : la commande met aussi en relief l'attrait financier du gaz pour les armateurs, un attrait qui s'explique en partie par le boom du gaz de schiste.
Une technologie anti-particules fines...
Pour le président du transporteur breton, Jean-Marc Roué, la commande du navire PEGASIS (pour « Power Efficient GAS Innovative Ship ») représente une « étape extrêmement importante, mais une première étape seulement, de la transition écologique de Brittany Ferries ». Grâce à son nouveau moteur mixte gaz/diesel utilisant le gaz comme énergie primaire, le navire réduira ses émissions de particules fines de 99% pour les oxydes de soufre et de 80% pour oxydes d'azote, sans compter une baisse de 20% pour le CO2. Cela lui permettra d'être dès 2016 au niveau des exigences réglementaires de 2021, complète STX France. Un avance qui lui permettra d'aborder eu mieux « les profondes mutations de l'économie du transport maritime alors que les routes maritimes seront progressivement toutes soumises à des exigences fortes en termes d'émissions atmosphériques », soulignent le gouvernement dans un communiqué.
... Imposée par les normes anti-pollution
Car la propulsion au GNL, déjà utilisée sur une vingtaine de ferries en Norvège, vise d'abord à se mettre en accord avec la Directive européenne du 29 octobre 2012 sur les émissions de soufre et avec l'annexe 6 de la convention MARPOL de l'Organisation Maritime Internationale sur les émissions de polluants : à partir de janvier 2015, les navires naviguant dans la Manche et en mer du Nord devront réduire la teneur de leurs émissions en soufre à 0,1 % contre 1,5% actuellement en moyenne. Hors Europe, des seuils et des délais moins contraignants sont prévus.
Pour se mettre en conformité, Brittany Ferries va équiper trois de ses navires existants de filtres « scrubbers », remotoriser trois navires au GNL, et remplacer un de ses ferries par un « PEGASIS ». A la clef, c'est une économie sur la facture de carburant qui devrait l'aider à rester dans le vert, après deux années 2011/2012 de vache maigre. Le PEGASIS va aussi permettre au transporteur d'être en position de force pour transporter les camions qui font la navette entre l'Espagne et l'Angleterre (surtout pour des produits agricoles frais). Ce mode de convoyage a littéralement explosé : entre 2007 et 2013, le nombre de camions transporté par ferries est passé de 4 500 à 30 000. « Nous avons anticipé cette hausse du trafic, avec un garage plus grand aux deux tiers que le Pont Aven », qui relie Santander et Bilbao à l'Angleterre, ajoute Jean-Marc Roué.
Le GNL pour réduire la facture
Entre 2003 et 2008, la facture carburant (fioul lourd et diesel) de Brittany Ferries a bondi de 30 à 80 millions d'euros à cause de la hausse du prix du pétrole, d'après l'entreprise. Dans ce contexte d'envolée des coûts, le GNL suscite l'engouement chez les armateurs, du fait d'un prix du gaz stabilisé et même en forte baisse aux Etats-Unis (grâce aux gaz de schiste). Pour STX France l'économie serait « de l'ordre de 10 à 15% sur une facture annuelle en carburant de 20 millions d'euros ». Quant à Jean-Marc Roué, il voit dans le gaz « un des carburants de l'avenir », un jugement que plusieurs appels d'offre pour des ferries GNL, comme au Canada en décembre, confirment.
Quant aux énergies renouvelables, il n'est pas prévu qu'elles soient présentes sur le ferry, fut-ce en appoint. S'il s'agit d'une transition écologique, elle est encore 100% fossile.