Publié le 27 mai 2020
ÉNERGIE
Le pari à huit milliards d’euros d’Emmanuel Macron pour sauver la filière auto en grand danger
Passer d’un modèle mondialisé à flux tendu de véhicules thermiques à bas coût, vers un modèle relocalisé de véhicules électriques et hybrides à haute valeur ajoutée… Tel est le plan d’Emmanuel Macron pour sauver la filière automobile française mise à mal par la crise du Covid-19, mais aussi par sa lenteur à prendre le virage de la mobilité propre. En guise d’incitation, Emmanuel Macron met huit milliards d’euros sur la table.

@LudovicMartin/AFP
Le secteur automobile français est en crise, à commencer par son premier constructeur Renault. Depuis le début de la crise du Coronavirus, les ventes de véhicules neufs se sont effondrées de près de 80 % en Europe. Intenable, pour un modèle économique qui repose sur une fabrication à flux tendu et à bas prix pour une vente la plus rapide possible. Emmanuel Macron a donc initié un vaste plan pour réformer le modèle de ce secteur qui représente 400 000 emplois directs et autant d’emplois indirects en France.
L’après, dans l’industrie automobile, c’est le monde de la motorisation électrique. L’après, dans l’industrie automobile, ce sont les véhicules autonomes. Et c’est bien cette avant-garde que notre pays doit incarner.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 26, 2020
Le chemin de crête est étroit pour le Président qui doit sauver une filière très émettrice, tout en favorisant la transition énergétique. Pour y parvenir, pas d’ambition modeste : il s’agit de faire de la France "le premier producteur de véhicules électriques en Europe", avec un objectif d’un million d’unités d’ici 5 ans. "C’est tout le sens du plan de soutien et de relance", explique le Président. Mais, à l’écouter, le nombre d’obstacle à lever pour y parvenir est considérable… sans compter les investissements publics pour près de huit milliards d’euros.
Vider les parkings d’invendus
La première étape est de vider les parkings des constructeurs et des concessionnaires où se sont entassés 400 000 véhicules invendus depuis le début de la crise. Ce nombre atteindra 500 000 fin juin. L’Élysée a donc décidé de soutenir la consommation en premier lieu en augmentant les primes à l’achat de véhicules électriques ou hybrides (jusqu’à 7 000 euros pour les particuliers) et la prime à la conversion pour se débarrasser de vieux véhicules. "Tout renouvellement du parc est bon écologiquement", assure le Président qui justifie qu’un véhicule neuf, même thermique, est bien moins émetteur qu’un ancien modèle.
Le second axe est de soutenir la modernisation des usines des fabricants et des sous-traitants dans les motorisations électriques. Cela passe par 200 millions d’euros de subventions aux sous-traitants pour s’adapter et monter en gamme. L’État porte également un fonds d’investissement de 600 millions d’euros (400 millions de l’État et 200 millions de Renault et PSA) pour intervenir dans les entreprises de la filière afin de les moderniser, les consolider et soutenir leurs programmes de recherche et développement. À noter que le Fonds Avenir Automobile, géré par Bpifrance et abondé par les constructeurs et équipementiers français, a déjà été lancé en 2009 pour moderniser la filière française.
Enfin, la troisième étape de la fusée du "véhicule de demain made in France" est évidemment la relocalisation de la production. En échange de ce gigantesque plan d’aide, "les constructeurs ont pris une série d'engagements forts qui consistent à relocaliser la production à valeur ajoutée (toute la mobilité propre, ndr) en France et à consolider et maintenir la totalité de la production industrielle sur nos sites”. Pour PSA cela veut dire 450 000 véhicules électriques et hybrides produits en France en 2025 et pour Renault, un quadruplement à 240 000 véhicules en 2024.
Une aide conditionnée à l’emploi
Ce plan de relance automobile va très vite se heurter au mur de la réalité alors que Renault est en danger. Quelques jours auparavant, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire l’affirmait : "Renault peut disparaître, les grands constructeurs industriels peuvent disparaître, il faut être lucide", a-t-il estimé. La marque au Losange doit présenter aux partenaires sociaux jeudi 28 mai un plan d’économie de deux milliards d’euros. Selon le Canard Enchaîné, celui-ci entraînerait des fermetures de sites en France.
Si le gouvernement ne s’y oppose pas formellement, il exige que l’emploi soit préservé. Il soumet d’ailleurs le prêt d’État de cinq milliards d’euros aux engagements qui seront pris par Renault. Lundi, le ministre de l’Économie Bruno le Maire doit recevoir Renault et ses partenaires pour définir une "ambition industrielle collective". Sans accord, le prêt de Bercy au constructeur pourrait être remis en cause.
Ludovic Dupin @LudovicDupin