Publié le 11 septembre 2022
ÉNERGIE
Espagne : des trains gratuits pour encourager la mobilité durable et lutter contre l’inflation
Prendre le train gratuitement, c’est maintenant possible pour des milliers d’Espagnols. Face à l’augmentation des prix du carburant, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures visant à favoriser l’usage des transports publics jusqu’à la fin de l’année 2022. Un dispositif bon pour le porte-monnaie des voyageurs, mais aussi pour la planète, qui fait son chemin un peu partout en Europe.

THOMAS COEX / AFP
Ils sont déjà plus de 600 000 passagers à en profiter. Depuis le 1er septembre, les Espagnols peuvent voyager gratuitement sur plusieurs lignes ferroviaires du pays, et ce jusqu’au 31 décembre 2022. L’initiative s’applique aux réseaux régionaux "Media Distancia" et aux réseaux de banlieue "Cercanías", circulant autour des grandes villes comme Madrid, Barcelone ou Séville.
Pour en bénéficier, les voyageurs doivent se procurer un passe valable quatre mois et s’acquitter d’une caution de 10 à 20 euros qui leur sera remboursée s’ils ont effectué au moins 16 trajets d’ici la fin de l’année. Seuls les abonnements sont concernés, les tickets à l’unité n’étant pas pris en charge. 75 millions de trajets devraient être couverts par cette remise selon la Renfe, la société de chemins de fers espagnols.
En parallèle, le gouvernement a instauré une réduction de 30 % sur les tarifs des services de transport en commun, comme le bus et le métro, incitant par ailleurs les municipalités à faire un effort complémentaire. Une enveloppe totale de plus de 200 millions d'euros a été débloquée pour financer l’opération, qui pourra être prolongée "si nécessaire" selon Raquel Sánchez, la ministre des Transports.
Limiter les dépenses et l’empreinte carbone
Ces mesures exceptionnelles, annoncées en juillet dernier par le premier ministre Pedro Sanchez, visent à contrer la hausse des prix liée à la guerre en Ukraine, alors que l’inflation a dépassé cet été la barre des 10 %. L’objectif est également d’encourager l’usage des transports publics pour limiter l’empreinte carbone du pays. "Nous voulons soulager les citoyens qui souffrent beaucoup de l'augmentation des prix du carburant. L'initiative permet aux gens d’opter pour un moyen de transport plus durable et, en même temps, de réduire la facture énergétique de l'Espagne", souligne César Ramos, député du parti socialiste ouvrier espagnol, dans les pages du quotidien El País.
Sur les quatre mois du dispositif, les économies réalisées pourraient par exemple aller jusqu’à 370 euros pour une personne voyageant dans la région de Madrid, et même jusqu’à 1300 euros pour un usager régulier de la ligne Séville-Cadix d’après un communiqué du ministère des Transports, de la mobilité et des programmes urbains. Côté environnemental, "chaque trajet transféré d’un véhicule privé vers les transports collectifs permettra d’éviter en moyenne entre 73 % et 80 % d’émissions de CO2", affirme le ministère.
Vers une mobilité européenne plus durable
La gratuité permettra-t-elle d’amorcer une transition vers une mobilité plus durable ? Pour María Eugenia López, directrice adjointe du Centre de recherche sur les transports de l'Université polytechnique de Madrid, l’initiative est trop brève pour impulser un véritable changement. "C'est une bonne occasion pour réaliser un changement massif des moyens de transport, mais il est très optimiste de penser qu'avec une mesure aussi temporaire, les gens vont abandonner la voiture et passer au train", affirme-t-elle au journal El País. En outre, une partie du territoire, mal desservie par les réseaux régionaux et éloignée des grands centres urbains, ne bénéficie pas des remises.
Si certains experts pointent ainsi les limites de l'opération, l’Espagne s’inscrit dans une dynamique européenne croissante. Après l’Autriche, et son ticket climat à 3 euros par jour pour voyager sur l’ensemble des transports en commun du pays, l’Allemagne a lancé durant l’été un billet mensuel au prix de 9 euros. Une expérimentation qui a rencontré un franc succès, avec près de 52 millions de passes vendus en seulement trois mois, permettant d’éviter l’émission d’1,8 million de tonnes de CO2. En France, le déploiement d’une mesure similaire se fait attendre, malgré les appels des ONG environnementales.
Florine Morestin