Publié le 19 janvier 2018
ÉNERGIE
[Décryptage] Salon de l’auto de Détroit versus CES 2018 : le monde selon Trump ou le monde selon Tesla
Des véhicules autonomes et électriques présentés au CES Las Vegas, des 4x4 aux moteurs surdimensionnés au Salon de l’Automobile de Détroit. Ces deux évènements se sont tenus à deux jours d’écart. Ils présentent deux visions de l’industrie automobile, deux visions de la mobilité du futur… et quasiment deux visions du monde.

NAIAS
À quelques jours d’intervalles en janvier, se sont tenus aux États-Unis deux salons qui attirent les regards du monde entier. Au Nevada le CES 2018 de Las Vegas, le plus grand salon de l’électronique au monde où sont dévoilées les innovations de demain. Dans le Michigan, le salon de l’automobile de Détroit, l’un des plus importants de la planète, juste derrière ceux de Paris et de Francfort.
À travers cet affrontement à distance, ce sont deux visions de la voiture qui s’expose. Car en 2018, un mouvement fut flagrant. De plus en plus de constructeurs et d’équipementiers ont décidé de s’afficher prioritairement dans le Nevada plutôt que dans le Michigan. C’est là-bas que de grandes marques ont choisi de dévoiler de nouvelles voitures électriques, voire de nouvelles stratégies d’entreprises.
Ainsi Ford a présenté son concept de flottes de robots taxis. Mercedes a révélé la smart Vision EQ, une voiture électrique autonome. BMW a sorti un SUV électrique avec plus de 500 km d’autonomie. Renault Nissan a mis un avant un fonds d’un milliard d’euros dédié aux startup des nouveaux services de mobilité. Une annonce qui montre que le premier vendeur de voitures au monde est en train de repenser son business model, aujourd’hui axé sur la voiture thermique individuelle.
Les fabricants américains bombent le torse
À Détroit, même s’il y a une recherche de sobriété dans la consommation des moteurs, les observateurs notent une mise en avant en force des 4x4 urbains, des cross-over ou des puissants SUV… On en viendrait presque à penser que l’industrie américaine a décidé de bomber le torse face à des pays (Chine, France ; Allemagne…) qui programment la fin des voitures à essence. La radio RFI a même couvert l’événement avec un titre peu flatteur "la fête des grosses voitures qui polluent".
Reste que plusieurs constructeurs semblent ne plus se reconnaître à Détroit. On note l’absence de Volvo, Porsche, Ferrari (qui a annoncé sa future sportive électrique à Las Vegas) et d’autres n’ont pas fait le déplacement pour un salon. S'il réunit encore 700 000 visiteurs (contre 170 000 au CES), il est en perte de vitesse selon Ferdinand Dudenhöffer, analyste allemand de Duisbourg-Essen. "À Detroit, c’est le monde d’hier qui se réunit, et il est de plus en plus petit. À Détroit on montre la voiture d’hier et au CES la voiture de demain", explique-t-il à l’AFP. Une préoccupation majeure alors que, pour la première fois depuis la crise de 2008, les ventes d’automobiles ont légèrement diminué outre-Atlantique.
Le choix des consommateurs
À Detroit, on a vu la voiture selon Donald Trump… À Las Vegas, celle selon Elon Musk, le PDG de Tesla. Cette société boycotte d’ailleurs le premier salon en raison d’un différend avec l’État du Michigan sur son mode de service direct aux possesseurs de véhicules de la marque.
Mais la messe n’est pas dite. "Il y a beaucoup de choses qui brillent et scintillent à las Vegas mais qui ne seront jamais sur les routes. Ça brasse de l’air (…) mais ce n’est pas ça qui fait vivre l’industrie", assure ainsi Max Muncey porte-parole de NAIAS qui organise le salon de Détroit.
Le combat entre les deux Amérique est in fine entre les mains des consommateurs. Or, en 2017, deux tiers des 17,2 millions de véhicules vendus étaient toujours des grosses voitures, du type 4x4 et pick-up. Quand bien même leur consommation d’essence est importante, elle ne pose pas vraiment un problème dans un pays où le prix des carburants est faible.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin