Publié le 14 octobre 2015
ÉNERGIE
Transition énergétique : l’engagement citoyen en chute libre en Allemagne
Outre-Rhin, le nombre de créations de coopératives énergétiques est en forte baisse : -60% en 2014 par rapport à l’année précédente. En cause : la réforme de la loi sur les énergies renouvelables (EEG). Depuis son entrée en vigueur le 1er aout 2014, les initiatives citoyennes sont à la peine. Au cœur de la transition énergétique allemande, elles tirent la sonnette d’alarme à moins de 8 semaines de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris (COP21).

Sean Gallup / Getty image Europe / AFP
Et si Berlin cherchait à tuer dans l’œuf la vague d’engagements citoyens en faveur de la transition énergétique ? "La réforme de la loi EEG ne sonne pas la fin de la transition énergétique en Allemagne. Elle se fera plus lentement et, surtout, sera plus avantageuse pour les grands énergéticiens", analyse Rüdiger Rosenthal, de l’organisation Bund, la branche allemande des Amis de la terre.
Les amendements de la loi EEG prévoient en effet :
- La création d’une taxe sur l’énergie verte auto-produite et auto-consommée ;
- l’introduction d’un plafond de production d’électricité issue des renouvelables ;
- une baisse des objectifs de création de nouvelles installations solaires et éoliennes terrestres ;
- l’introduction des procédures d’appel d’offre prévue pour 2017.
Manque de ressources
Ce dernier point concentre tout particulièrement l'ire des coopératives énergétiques allemandes : "La préparation d’un appel d’offre suppose du temps pour élaborer le cahier des charges, des connaissances juridiques pointues des cadres réglementaires en vigueur, des réserves financières conséquentes, bref autant de ressources dont ne disposent pas les coopératives", explique René Mono, de l’organisation Bündnis Bürgerenergie (BBEn), qui les représente. "Les énergéticiens, eux, sont en mesure de tenir ces procédures".
Depuis l’adoption de la réforme, il observe une grande incertitude s’installer chez les membres de son organisation, ce que confirment les derniers chiffres publiés : lorsque 183 coopératives étaient créées en 2013, seules 54 ont vu le jour l’année suivante.
Berlin reprend la main
Pour René Mono, avec sa réforme, Berlin a voulu mettre un terme à la décentralisation de la production et de la distribution de l’électricité. Il en est convaincu, "la sphère politique craint d’en perdre le contrôle."
De fait, en Allemagne, la question n’est plus de savoir si la transition énergétique est bel et bien enclenchée, mais de savoir qui doit se trouver aux manettes.
Jusqu’à présent, elle porte clairement l’empreinte citoyenne : une étude du cabinet Bündnis Bürgerenergie montre que les coopératives énergétiques produisent un total de 56 000 gigawatt/h, soit la moitié de la production nationale annuelle d’électricité verte, qui alimente à hauteur de 30% le marché allemand. Par ailleurs, le pays compte près de 1,2 million d’installations solaires et 4000 éoliennes, financées par des particuliers. Selon le BBEn, un Allemand sur 16 investit dans la transition énergétique via une coopérative.
Et leur envolée a pris le monde politique allemand de court. Elle s’explique par la convergence inattendue de deux évènements législatifs : l’adoption de la loi EEG en 2000, qui introduit les tarifs de rachat garantis sur 20 ans, et la simplification administrative, introduite par la réforme sur les coopératives, adoptée par le parlement en 2006.
Retour au charbon
"Cette réforme n’est pas seulement un revers pour les coopératives mais aussi pour le climat", s’alarme Rüdiger Rosenthal. Pour ce dernier, introduire une taxe sur l’énergie auto-produite et auto-consommée tout en maintenant les exceptions fiscales pour les centrales conventionnelles revient à privilégier le charbon.
"Au moment où l’Allemagne risque fort de rater ses objectifs pour 2020, le gouvernement est en train de démonter son instrument de lutte contre le réchauffement climatique le plus efficace".