Publié le 26 juin 2014
ÉNERGIE
Energies renouvelables : le virage de l’énergéticien allemand EnBW est-il crédible ?
Soutenu par le land du Bade-Wurtemberg, poussé par le contexte économique défavorable pour les énergéticiens, EnBW (Energie Baden-Württemberg), le N° 3 allemand de l’énergie, vient d’annoncer un profond programme de repositionnement stratégique sur les énergies renouvelables. Ce virage à 180° soulève autant la question de la crédibilité de cette nouvelle stratégie que celle de sa rentabilité. Les acteurs du secteur suivent avec attention l'évolution du dossier.

© Sean Gallup / Getty Images / AFP
"La transition énergétique a profondément transformé la manière dont est produite l’énergie en Allemagne. Il existe 450 centrales conventionnelles. Et 1,3 million d’installations décentralisées de production d’énergies renouvelables, fait savoir EnBW par la voix de son porte-parole au siège du groupe à Karlsruhe (sud-est). Statistiquement, un Allemand sur 60 est un producteur d’électricité."
En clair, l’implantation des énergies renouvelables dans le paysage énergétique allemand contraint les quatre énergéticiens à changer de modèle économique. EnBW est le premier à s’y mettre.
Un bond de 250 % des énergies renouvelables dans les 6 ans à venir
Que prévoit le plan présenté lors de l’assemblée générale du groupe le 29 avril dernier ? Une baisse à 80 % des énergies conventionnelles dans la production d’énergie du groupe pour une progression de... 250 % des énergies renouvelables d’ici à 2020. Point d’orgue de cette stratégie: l’énergie éolienne.
Selon l’entreprise, 160 emplacements sont actuellement à l’étude, sur lesquels jusqu’à 500 centrales à éoliennes pourront être construites. La direction étudie également l’élargissement des activités de service autour de la production d’énergie, comme l’installation de smart grids (réseaux d’électricité "intelligents", qui favorisent les économies d’énergie) dans les foyers.
Le repositionnement s’avère ambitieux : la part actuelle des investissements du groupe dans les nouvelles énergies se monte à 18 %. Mais il est absolument nécessaire, car le bénéfice net s'est effondré de 90 % l'an dernier, passant de 484 millions à 51 millions d'euros.
De son côté, le no 2 du pays, RWE, a fait état en 2013 d'une perte nette de 2,8 milliards d'euros, sa première en plus de soixante ans. Même scénario chez le concurrent E.on, qui vient d’enregistrer une baisse du cours de son action, passée de 1,60 euro à 60 centimes.
Pour Christof Timpe, directeur au centre de recherche Öko-Institut du département Energie et Protection du climat, les contre-performances financières des grands groupes les obligent à prendre la voie des nouvelles énergies, ce qui rend tout à fait crédible le nouveau positionnement d’EnBW.
Mais pour que RWE et consorts suivent le même chemin, leur concurrent doit démontrer que sa stratégie peut engendrer des bénéfices. "Le nouveau positionnement d’EnBW est à prendre au sérieux. Mais on ne sait pas encore trop comment le groupe, avec sa nouvelle structure, peut gagner de l’argent.", relève l’expert.
Les actionnaires vont-ils suivre ?
Les deux actionnaires principaux d'EnBW sont la société allemande OEW (Zweckverband Oberschwäbische Elektrizitätswerke), qui regroupe neuf communes du Land, et le Land du Bade-Wurtemberg lui-même, avec une participation de 46,75 % chacun.
Or c’est précisément cette combinaison qui est source d’incertitude : le gouvernement régional est dirigé par le vert Winfried Kretschmann, acquis aux enjeux liés à la transition énergétique, et ce sont les conservateurs de la CDU qui tiennent les rênes des communes. "Les dirigeants de ces communes occultent complètement les graves conséquences écologiques liées au charbon", regrette Heffa Schücking, de l’organisation non gouvernementale Urgewald.
Le ministre régional de l’Economie, le social-démocrate Nils Schmid, estime, pour sa part, que "EnBW se trouve en de bonnes mains. (Le PDG) Mastiaux a clairement montré l’urgence d’un vaste programme de repositionnement stratégique". Un virage à 180° qui lui demandera de la persévérance, mais le ministre se dit confiant : "Je suis raisonnablement optimiste : la transition énergétique aura bien lieu au sein d’EnBW."