Publié le 11 juillet 2017

ÉNERGIE

Utiliser le gaz comme énergie de transition est incompatible avec un scénario 2°C

Un rapport publié par le Climate Action Tracker (CAT) juge que l’avenir du gaz naturel dans le système énergétique mondial est limité, même comme énergie de transition. En cause : la concurrence croissante des énergies renouvelables. Selon les experts, des investissements massifs dans le gaz risquent d'être dévalorisés, tout en créant un obstacle à l'atteinte des objectifs de l’Accord de Paris.

Gaz Installation gaziere iStock

iStock

"L'idée que le gaz naturel peut constituer une énergie de transition va virer court, estime Jonathan Gaventa, directeur au sein du think tank E3G. L'analyse exhaustive du Climate Action Tracker (1) montre que nous ne pouvons pas décarboner notre économie en brûlant toujours plus de gaz. La construction de gazoducs supplémentaires et de terminaux GNL en Europe ne fera que nous éloigner davantage de nos objectifs climatiques. Au lieu de cela, l'Union européenne devrait mettre l'accent sur la production renouvelable, l'efficacité énergétique et les réseaux intelligents pour rendre le système énergétique véritablement propre."

Le Climate Action Tracker (CAT) a publié fin juin un rapport qui alerte sur la construction de nouvelles infrastructures gazières nocives pour le climat et risquées financièrement. La part du gaz a augmenté dans la production d’électricité mondiale, passant de 15 % en 1990 à 22 % en 2014. Il est même devenu la première source aux États-Unis devant le charbon avec un bond de 54 % sur la dernière décennie. Et selon les projections, d’ici à 2025, il devrait augmenter de 105 % en Chine, de 90 % en Inde et de 31 % en Afrique.

Une fausse bonne idée

Mais cette montée en puissance du gaz n’est pas compatible avec l’objectif de décarboner totalement le secteur de l’électricité d’ici 2050 afin de limiter le réchauffement climatique à 2 °C d’ici 2100, expliquent les chercheurs du CAT. "Le gaz naturel est souvent perçu comme une source d'énergie ‘propre’ qui viendrait compléter les énergies renouvelables intermittentes. Mais les émissions fugitives lors de l'extraction et du transport de gaz (estimées entre 0,8 % et 5,5%, NDLR) montrent que ce n’est pas une énergie aussi 'propre' que prévu", explique Bill Hare, de Climate Analytics.

Le gaz émettrait entre 410 et 650 grammes de CO2/kWh pour les centrales à cycle combiné, en-dessous des centrales à charbon (710 à 950 g de CO2/kWh) mais largement au-dessus renouvelables (2 à 180 g de CO2), notent les auteurs. "Remplacer le charbon par le gaz, tel que proposé par certains, n'est manifestement pas une option, écrit le CAT. Cela réduirait le réchauffement de seulement 0,1°C environ".

Des actifs dévalorisés

Les chercheurs alertent aussi sur les risques financiers liés aux investissements dans de nouvelles infrastructures gazières, qui pourraient, en cas de sous-utilisation dans un scénario 2°C, devenir des stranded-assets (des actifs dévalorisés). C'est d'autant plus vrai si elles sont liées à du gaz non-conventionnel, dont le coût de production serait élevé. Ils rappellent que les taux d'utilisation des infrastructures de gaz naturel ne sont que de 54% aux États-Unis et de 25% en Europe.

Au-delà du seul gaz, un autre rapport (2) publié par Carbon Tracker et les PRI (Principles for Responsible Investment) estime que 30 % des investissements programmés d’ici 2025 par les 69 plus grandes compagnies pétrolières et gazières pourraient être perdues dans un scénario 2°C. Cela représente 2 300 milliards de dollars. Tous les investissements dans les sables bitumineux et l’offshore profond sont concernés ainsi que deux tiers des projets gaziers en Amérique du Nord.

Exxon est l’une des entreprises les plus exposées avec un risque de perte de 40 à 50%. Le 30 mai dernier, lors de l’Assemblée générale du groupe, ses actionnaires avaient frappé un grand coup en adoptant massivement une résolution imposant plus de transparence sur la stratégie 2°C de la société, en dépit de l’opposition de la direction.

Concepcion Alvarez @conce1

(1) Foot off the gas: increased reliance on natural gas in the power sector risks an emissions lock-in

(2) 2 Degrees of Separation - Transition risk for oil and gas in a low carbon world


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

ÉNERGIE

Energies fossiles

L’extraction des énergies fossiles se fait à un coût environnemental de plus en plus élevé. Si leur épuisement est encore lointain, les modèles économiques qui ont fait la fortune des grandes compagnies pétrolières sont aujourd’hui bousculés.

Emission CO2 charbon Tainkm

COP28 : Pourquoi un accord sur la sortie des énergies fossiles incluant le captage et stockage de CO2 est un mirage

À la COP28, les négociations se poursuivent pour adopter une sortie ou une réduction des énergies fossiles. Les Émirats arabes unis, hôtes de la COP28, et les pays pétroliers défendent une version qui mise sur le captage et stockage de CO2 (CCS). Une technologie qui permet de capter le CO2 émis par...

Emmanuel macron COP28 Dubai 011223 LUDOVIC MARIN AFP

À la COP28, Emmanuel Macron s’attaque en priorité au charbon

Le sommet des chefs d’État et de gouvernement se poursuit ce samedi 2 décembre à la COP28 de Dubaï. Invité à la tribune vendredi 1er décembre, Emmanuel Macron a appelé les pays les plus avancés à sortir des fossiles, Chine y compris, et le G7 en particulier à sortir du charbon avant 2030. Il appelle...

Puits petrole vermilion cap ferret gironde CCO

Huit nouveaux puits de pétrole pourraient être forés à la Teste-de-Buch en Gironde, un an après les incendies monstres

En France, on a aussi du pétrole. Et la société canadienne Vermilion, premier producteur d'or noir dans l'Hexagone, entend bien l'exploiter tant que c'est encore possible. Elle vient d'obtenir un avis favorable de la commissaire enquêtrice pour forer huit nouveaux puits à la Teste-de-Buch en...

Projet gaz et petrole vaca muerta argentine TotalEnergies greenpeace

TotalEnergies impliqué dans 33 bombes climatiques à travers le monde

Si le projet Eacop/Tilenga mené par Total en Ouganda et en Tanzanie fait régulièrement la Une, la major est en réalité impliquée dans de nombreux projets climaticides. L'ONG Greenpeace a recensé 33 bombes climatiques, des projets super-émetteurs à plus d'un milliard de tonnes de CO2, qui vont...