Publié le 12 septembre 2023

ÉNERGIE

Sortie des énergies fossiles : Le G20 échoue à tirer les leçons du premier bilan mondial de l'Accord de Paris

Le G20 de Delhi était le premier grand rendez-vous en amont de la COP28, et il se solde par un échec. Pourtant, l'occasion était belle de se saisir du premier bilan de l'action climatique, publiée la veille de l'ouverture du sommet, et ainsi donner l'élan tant attendu pour une action climatique d'envergure. Au lieu de cela, les lignes de fracture entre les pays ne font que s'amplifier, signant un recul inquiétant.

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Le G20 a échoué à se mettre d'accord sur une sortie des énergies fossiles, alors que la veille le premier bilan de l'Accord de Paris mettait en exergue la mauvaise trajectoire actuelle.
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D’un côté, il y a la réalité du changement climatique que chacun éprouve de plus en plus fortement dans son quotidien. Et de l’autre, il y a les décisions, ou plutôt les non-décisions, prises au sein des grandes instances internationales. Très attendu, le sommet du G20, organisé les 9 et 10 septembre à Delhi, n’a pas mentionné une seule fois les énergies fossiles dans sa déclaration finale. Les énergies fossiles qui sont, rappelons-le, la première cause du changement climatique.

Le G20, qui émet 80% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, s’est contenté d’appeler à "accélérer les efforts vers la réduction de la production d'électricité à partir de charbon", sans évoquer ni le pétrole et le gaz. "Cela montre un recul dangereux malgré les récents impacts climatiques dévastateurs subis à travers le monde et la dernière évaluation de l'ONU montrant une lacune flagrante dans la réalisation des objectifs de l'Accord de Paris", a réagi Tasneem Essop, le directeur exécutif du Réseau Action Climat International.

"La fenêtre se rétrécit rapidement pour limiter le réchauffement à 1,5°C"

L’échec du sommet du G20 sur le climat intervient au lendemain de la publication du premier bilan mondial de l’action climatique (Global stocktake en anglais, ou GST) par l’ONU, le 8 septembre. Ce rendez-vous, appelé à être renouvelé tous les cinq ans, a été mis en place lors de l’Accord de Paris en 2015 afin d’en assurer le suivi. Sans surprise, ce premier rapport conclut sur le fait que le monde n’est pas sur la bonne trajectoire. "La fenêtre se rétrécit rapidement pour (…) limiter le réchauffement à 1,5°C", peut-on lire.

Le rapport insiste sur l’importance de développer les énergies renouvelables mais aussi d’éliminer progressivement tous les combustibles fossiles sans technologie de captage de carbone. Il note également que "les impacts climatiques érodent les progrès humains obtenus par le passé en matière de développement (accès à l'eau, à un toit, à l'éducation, à la santé...ndr), et que, sans mesures d’adaptation suffisantes, entraveront la capacité de réaliser de tels progrès à l’avenir".

"L’avenir de notre planète dépend de la capacité des dirigeants nationaux à utiliser cette sombre évaluation comme catalyseur d’une transformation audacieuse des systèmes", a réagi Ani Dasgupta, présidente et directrice générale du World Resources Institute. Après l'indifférence du G20, tous les espoirs se portent désormais sur la COP28. La question de la sortie des énergies fossiles sera au cœur du sommet, organisé à Dubaï à la fin de l’année.

"Une initiative forte sur la sortie du pétrole lancée par la France"

D’ores et déjà, le président de la COP28, Sultan al-Jaber, a éludé le sujet. "Je n'ai pas de baguette magique, je ne veux pas inventer des dates qui ne sont pas justifiées", avait-il déclaré en juillet dans un entretien à l'AFP. Mais en face, une coalition de pays menée par les Îles Marshall, soutenue notamment par l’Union européenne et la France, travaille pour obtenir une date bien avant 2050. "Le président de la République veut lancer une initiative forte sur la sortie du pétrole, comme il l'a annoncé devant les ambassadeurs", a indiqué début septembre le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique.

Emmanuel Macron n’a d’ailleurs pas mâché ses mots au sortir du G20. "C’est insuffisant", a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. "Je suis très préoccupé de l'esprit qui commence à régner, y compris d'ailleurs au sein des membres du G20, sur la question du climat. Il y a un discours trop facile qui s'installe chez certains émergents pour dire que seuls les pays les plus riches ont une responsabilité". Une pique à peine masquée en direction de la Chine, qui est l’un des pays, avec l’Arabie saoudite et la Russie à avoir bloqué les discussions sur les énergies fossiles.

Il faut rappeler qu’en parallèle de cette question épineuse, l’autre sujet à l’agenda de la COP28 est le financement des pertes et dommages, à savoir les dégâts irréversibles causés par le dérèglement climatique. Si la création d'un tel fonds a été actée à la COP27, il faut désormais décider de qui l’abondera. Certains pays développés, au premier rang desquels les États-Unis, plaident pour que la Chine, qui compte aujourd’hui parmi les pays les plus émetteurs, fasse partie des donateurs… Le bras de fer a donc déjà commencé dans un monde plus que jamais divisé. 

Concepcion Alvarez


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