Publié le 21 juillet 2015
ÉNERGIE
Réchauffement climatique : investir dans des projets gaziers peut s’avérer risqué
Si l'industrie du gaz a encore quelques beaux jours devant elle, contrairement au charbon et au pétrole, l'ONG londonienne Carbon Tracker alerte cependant sur les risques pour les investisseurs à l'horizon 2025-2035. Dans une étude publiée début juillet, elle analyse les projets des vingt plus grandes firmes pétrolières et gazières au monde. Les trois quarts d'entre elles ont des projets jugés non viables, dans un scénario de réchauffement global limité à 2 degrés. Au total, ce sont près de 300 milliards de dollars d'investissement qui sont en jeu.

Marcel Mochet / AFP
C’est une étude qui risque de couper court à la campagne de valorisation du gaz menée par les firmes pétrolières. Publiée début juillet par l’ONG anglaise Carbon Tracker, qui a théorisé le risque carbone, elle met en garde sur certains projets de gaz naturel liquéfié (GNL) qui ne seraient pas viables dans un scénario de réchauffement de la planète limité à 2°C.
283 milliards de dollars, c’est la valeur cumulée de ces projets à risque, à l’horizon 2025. Ce montant atteint même les 379 milliards de dollars en 2035. De quoi inquiéter les investisseurs et les compagnies pétrolières, qui voient dans le gaz une reconversion salutaire pour leurs finances et leur réputation.
+ 10 % : l'augmentation de la demande de gaz d'ici 2035
En juin dernier, sept firmes européennes du secteur ont adressé une lettre ouverte à la CNUCC (Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques) pour réclamer la mise en place d’un prix carbone pendant la conférence climatique de Paris (COP 21), afin de "matérialiser les avantages du gaz" par rapport au charbon ou au pétrole, et développer ainsi leur activité gazière.
Ces compagnies font valoir que le gaz est une solution au réchauffement climatique, faisant de cette énergie une voie d’avenir. BP et Shell estiment ainsi que les besoins en gaz vont augmenter de 40% entre 2015 et 2035, ne prenant pas en compte la transition en cours vers une économie bas carbone.
En effet, dans le scénario 450 ppm (parties par million) de l’AIE (Agence internationale de l’énergie), la demande mondiale de gaz va bel et bien augmenter, mais de seulement 10% sur cette période. Une estimation bien en-deçà de celle avancée par les compagnies pétrolières.
Shell-BG la plus exposée
Pour James Leaton, directeur de recherche chez Carbon Tracker, "les investisseurs devraient examiner le véritable potentiel de croissance des entreprises de GNL au cours de la prochaine décennie. L'offre excédentaire actuelle signifie qu'il y a déjà une série de projets qui attendent d'entrer en production, et dont on ne sait pas s’ils seront viables".
Parmi les pays les plus menacés, on compte le Canada (82 milliards de dollars à l'horizon 2025), les États-Unis (71 milliards de dollars) et l’Australie (68 milliards de dollars), à cause notamment de leurs projets de gaz de schiste. Et sur les plus vingt grandes compagnies analysées, seize ont des projets qui risquent de ne pas être viables à l'horizon 2025.
Shell, devenu l’opérateur le plus important du secteur avec le rachat de BG, est la société la plus exposée, avec une exposition de 59 milliards de dollars d’ici dix ans. Le géant néerlando-anglais a indiqué qu’il fondait son offre sur l’hypothèse selon laquelle le prix du baril remonterait à 90 euros, ce qui correspond en moyenne à un prix du gaz de 14-15 dollars/mmBtu (un million de british thermal unit, une unité de mesure énergétique britannique). Or, selon l’ONG Carbon Tracker, les projets dont la rentabilité suppose un prix du gaz supérieur à 10 dollars/mmBtu sur les dix années à venir sont menacés.
Cette étude de Carbon Tracker sur la viabilité des projets gaziers vient compléter deux autres études publiées l’année dernière sur la viabilité des projets liés au charbon et au pétrole.