Publié le 14 août 2019
ÉNERGIE
Les arbres, le nouvel argument responsable des pétroliers
Eni, Shell, Total… Plusieurs compagnies pétrolières veulent se lancer dans la plantation d’arbres, pour stocker du carbone et compenser leurs émissions. Elles sont de plus en plus poussées par certains investisseurs à communiquer sur leurs actions pour réduire leur impact sur le réchauffement climatique. Mais la reforestation ne sera efficace que sous certaines conditions.

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Les groupes pétroliers misent sur la forêt pour réduire leur empreinte carbone. Plusieurs d’entre eux ont successivement annoncé vouloir planter massivement des arbres, afin de compenser leurs émissions de CO2. Patrick Pouyanné, le PDG de Total, a ainsi déclaré début juillet, lors des rencontres économiques d’Aix-en-Provence, vouloir créer une "business unit" dédiée à l’investissement dans la reforestation. Celle-ci sera dotée d’un budget de 100 millions de dollars par an.
L’anglo-néerlandais Shell et l’italien ENI ont annoncé, eux, des chiffres sur le nombre d’arbres qu’ils veulent planter. Shell a mis en place un programme de 300 millions de dollars sur trois ans, avec pour ambition de réduire son empreinte carbone de 2 à 3 %. Ce programme servira notamment à investir dans des forêts, des zones humides et d’autres écosystèmes naturels partout dans le monde. Shell prévoit de planter cinq millions d’arbres dans les douze prochaines années aux Pays-Bas, de reboiser 300 hectares en Espagne, ou encore de régénérer 800 hectares de forêt native en Australie.
Eni, de son côté, a déclaré en mars 2019 vouloir compenser ses émissions de gaz à effet de serre pour sa phase de production, pour atteindre la neutralité carbone sur la partie amont de ses opérations d’ici 2030. L’Italien prévoit notamment de planter plus de 80 000 kilomètres carrés de forêts, permettant de capter plus de 20 millions de tonnes de CO2 par an d’ici 2030. Reste la partie aval de son activité, sur la durée de vie des carburants, qui n’est pas couverte par le plan, Eni prévoyant de s’y pencher plus tard.
Les investisseurs demandent des comptes
Ces mesures font partie de plans plus vastes des entreprises pétrolières pour tenter de réduire leur empreinte carbone. Eni prévoit ainsi d’augmenter ses investissements dans les énergies renouvelables, ou encore dans les biocarburants. Le dirigeant de BP, de son côté, a annoncé vouloir transformer le modèle du groupe pour réduire son empreinte carbone. Ils répondent à la pression des investisseurs, mais aussi des nombreuses manifestations citoyennes sur le climat, qui demandent d’expliquer quelles actions ils mettent en place pour lutter contre le réchauffement climatique.
Mais planter des arbres suffira-t-il ? Tout dépend du type de forêt que ces compagnies pétrolières veulent promouvoir. Selon une étude de 2019 publiée dans Nature par des chercheurs de l’University College de Londres et de l’Université d’Edimbourg, la plantation de forêts en monoculture est bien moins efficace que la restauration et la préservation de forêts naturelles.
En se basant sur l’engagement des États de restaurer 350 millions d’hectares d'arbre d’ici 2030, ils estiment que les forêts naturelles permettent de capturer 42 milliards de tonnes de CO2 d’ici 2030. Elles permettent de stocker 40 fois plus de CO2 que les monocultures, dont les arbres sont en général coupés toutes les décennies. Les chercheurs insistent par ailleurs sur le fait que, pour atteindre les objectifs climatiques, la restauration de forêts naturelles doit s’accompagner par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’arrêt de la déforestation.
Arnaud Dumas @ADumas5