Publié le 18 novembre 2015

ÉNERGIE

Le Royaume-Uni abandonne le charbon… pour le gaz et le nucléaire

C’est la première grande puissance économique à prendre une telle décision. Le Royaume-Uni a annoncé ce mercredi qu’il fermerait toutes ses centrales à charbon d’ici 2025. Toutes celles qui ne disposeraient pas de système de captage et stockage du CO2. Pour compenser, le gouvernement souhaite implanter des usines à gaz et des centrales nucléaires sur son territoire. Ce que ne manquent pas de déplorer plusieurs ONG et élus. Explications. 

Un quartier résidentiel aux abords de la central à charbon de Regeley dans le Staffordshire au Royaume Uni. TIM GRAHAM ROBERT HARDING HERITAGE ROBERTHARDING
Un quartier résidentiel aux abords de la centrale à charbon de Regeley, dans le Staffordshire, au Royaume-Uni.
Crédits: TIM GRAHAM-ROBERT HARDING HERITAGE-ROBERTHARDING AFP

Une bonne nouvelle. Le Royaume-Uni veut fermer toutes ses centrales électriques au charbon d’ici 2025 et en réduire la production en 2023. Cela concernera toutes les centrales qui ne disposeraient pas d’un système de captage et stockage du CO2 (CSC). C’est ce qu’a annoncé ce mercredi Amber Rudd, la secrétaire d’Etat à l’Energie et au changement climatique. Une bonne nouvelle donc, à seulement 12 jours de l’ouverture de la conférence climatique de Paris (COP21).  

 

Charbon : 30 % de l’électricité aujourd’hui  

 

"Nous faisons face à un héritage de sous-investissement et de vieillissement des centrales, que nous devons remplacer par des alternatives fiables, ayant un bon rapport qualité prix, et qui nous aident à réduire nos émissions", explique ainsi Amber Rudd. "Une économie avancée comme le Royaume-Uni ne peut pas se satisfaire d'une dépendance à des centrales électriques au charbon vieilles de 50 ans, polluantes et fortement émettrices de CO2".  

Aujourd’hui, le Royaume-Uni compte une douzaine de centrales à charbon, dont plusieurs figurent parmi les plus polluantes d’Europe. Trois d’entre elles devaient quoiqu’il arrive fermer l’année prochaine.  

L’annonce a été saluée par de nombreux observateurs tels que l’ancien vice-président américain Al Gore, auteur du film "Une vérité qui dérange". "Avec cette annonce, le Royaume-Uni démontre le type de leadership que les nations du monde doivent prendre afin de façonner un accord réussi à Paris pour résoudre la crise climatique. Le Royaume-Uni est devenue la première grande économie à fixer une date claire pour éliminer le charbon, et j’espère que d'autres suivront pour construire une économie mondiale basée sur l’énergie propre dont nous avons besoin pour un avenir durable".  

 

Garantir l’approvisionnement énergétique  

 

Mais. Pour compenser l’abandon du charbon, qui fournit encore près d’un tiers de l’électricité consommée outre-Manche, le gouvernement britannique mise principalement sur le gaz et le nucléaire. Des énergies présentées par beaucoup comme des énergies de transition mais qui remettent en question l’idée d’un basculement vers une économie bas-carbone. Mais pour la secrétaire britannique, la priorité est de garantir l’approvisionnement des sources d’énergie aux citoyens.  

Ainsi, le gaz est "central". Le gouvernement assure qu’il va encourager les investissements pour l’exploration de gaz sur le territoire. Et se réjouit des retombées économiques de la mise en place de cette nouvelle industrie. Le nucléaire est également plébiscité. Les pouvoirs publics estiment que l’atome pourra fournir 30 % de l’électricité d’ici 2030 et créer 30 000 emplois. Point d’orgue de cette ambition : le projet "Hinkley Point C", porté notamment par EDF, qui vise à construire deux réacteurs EPR dans le sud-ouest de l'Angleterre. Sa mise en route est prévue pour 2025.  

 

Des énergies renouvelables qui doivent être plus compétitives  

 

Une troisième piste a bien été évoquée par Amber Rudd : il s’agit de l’éolien offshore. Un secteur dans lequel le Royaume-Uni pourrait tirer son épingle du jeu, reconnaît la secrétaire d’Etat à l’Energie, et qui emploie déjà 14 000 personnes. Mais, explique-t-elle,"il n’y aura plus de chèques en blanc". "Nous n’allons pas soutenir cette industrie à n’importe quel prix. Les subventions ne doivent être que temporaires et ne peuvent en aucun cas faire partie du modèle économique. Il n’y aura donc pas de nouvelles subventions tant que les prix n’auront pas baissé suffisamment pour être compétitifs". D’ores et déjà, le pays est assuré d’une production de 10 gigawatts à l’horizon 2020.  

Pour les ONG, la sortie du charbon est une bonne nouvelle mais elle devrait se faire au profit des renouvelables. "D'autres pays profitent du fait que près de la moitié de l'infrastructure énergétique mondiale qui se construit aujourd'hui s’appuie sur les renouvelables. Et alors que leurs prix vont continuer de dégringoler et bouleverser les marchés, la Grande-Bretagne ne regrettera-t-elle pas d’avoir raté le coche?" réagit David Nussbaum, du WWF, cité par The Guardian. La députée britannique verte Caroline Lucas est même allée jusqu’à comparer le passage du charbon au gaz, "au passage de la vodka au cidre" pour un alcoolique en cure. "Nous devons commencer à nous sevrer de gaz aussi rapidement que possible".  

Selon un rapport de l’Overseas Development Institute et Oil change International publié la semaine dernière, le Royaume-Uni a accordé en 2013 et 2014 un peu plus de 9 milliards de dollars de subventions pour soutenir la production … de combustibles fossiles.

Concepcion Alvarez
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