Publié le 31 janvier 2021

ÉNERGIE

Le gouvernement doit se prononcer sur un projet de production de gaz de charbon made in France

Le gouvernement va-t-il donner son feu vert à un projet de production de gaz de charbon puisé dans l'ancien bassin minier lorrain, au risque de faire enrager les associations locales et collectifs de citoyens qui ne veulent pas d'un tel projet chez eux ? L'aternative est l'importation de gaz venu des Etats-Unis, de la Russie ou du Qatar. Polluer chez nous ou polluer ailleurs, un dilemme qui illustre à la perfection le casse-tête de la transition énergétique. 

Gaz de couche lorraine stopgazdecouche57
Quatre puits d'exploration ont été forés. Le projet de développement prévoit 41 sites comprenant chacun en moyenne sept puits de forage.
@Stopgazdecouche57

L’ancien bassin minier lorrain, au nord-est de la Moselle, regorge de gaz de charbon. Un gaz dit "de couche" qui se trouve à plus de 1 000 mètres de profondeur dans des veines de charbon vierges de toute activité minière. C’est là que La Française de l'Énergie mène des travaux d’exploration depuis une dizaine d’années. Après des résultats qu’elle estime concluants, l’entreprise créée en 2007 par la société australienne European Gas Limited (EGL), a déposé une demande de concession ouvrant la voie à plusieurs dizaines de futurs forages.

Le gouvernement doit donner sa réponse début 2022. En attendant, une trentaine d’associations et collectifs de citoyens ont écrit une lettre ouverte à Emmanuel Macron et Barbara Pompili, le 19 janvier dernier (1), pour leur demander de ne pas soutenir ce projet d'énergie fossile, encore jamais exploitée en France. "La décision de l'octroyer serait en contradiction totale avec la lutte contre le changement climatique et les nouvelles ambitions que l'exécutif doit enfin donner aux politiques nationales en la matière" écrivent-elles.

Remplacer le gaz importé

Contrairement au gaz de mine (le fameux "grisou"), que La Française de l’Énergie capte et valorise dans les anciennes mines de charbon du Nord afin d’éviter que ce méthane ne s’échappe dans l’atmosphère et le réchauffe, le gaz de couche de charbon ne fait courir aucun risque là où il est. "L’intérêt est ailleurs. Il s’agit de remplacer le gaz aujourd’hui importé des États-Unis, de Russie, de Norvège, du Qatar ou d’Algérie par du gaz produit localement avec une empreinte carbone dix fois moins importante, puisqu’il n’a pas besoin d’être transporté ni même traité - il est pur à 96 %," souligne Antoine Forcinal, directeur général de l'entreprise.

Cette dernière a mis au point un procédé de forage conventionnel en drain horizontal. "Il permet de faire remonter le gaz par différentiel de pression, sans injection d’aucun produit chimique", assure le dirigeant. "De plus, la roche est déjà naturellement très fragmentée, donc nous n’avons pas recours à la fracturation hydraulique de toute façon interdite en France", ajoute-t-il. Les réserves prouvées représentent plus de deux milliards de mètres cube de gaz, soit l’équivalent de plus de cinq ans de consommation annuelle française.

"Opération spéculative"

Au-delà de l'impact environnemental lié au forage des puits, Anaëlle Lantonnois, membre de l’appel 57 (Association pour la Préservation de l’Environnement Local 57), dénonce "une opération spéculative". "Partout dans le monde, il a été prouvé que seule une infime partie de gaz remonte sans avoir recours à la fracturation hydraulique. Ils ne pourront pas aller chercher ce gaz car ce ne sera pas rentable. Ce projet sert donc principalement à faire croître la valeur boursière de l’entreprise", dénonce-t-elle.

La demande de concession porte sur environ 200 km² et touche une quarantaine de communes. L’enquête publique, clôturée en novembre, a rassemblé 85 % de voix contre le projet, qui a toutefois obtenu un avis favorable. Si la concession était octroyée, chaque forage devrait ensuite faire l’objet d’une instruction, d’une enquête publique et d’études environnementales, ce qui promet d’être long. Or, le temps est compté pour ce projet puisque la loi Hulot interdit la production d’hydrocarbures sur le territoire en 2040.

Concepcion Alvarez @conce1


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