Publié le 23 août 2018
ÉNERGIE
Le "charbon propre" vanté par Donald Trump, existe-il vraiment ?
Le "charbon propre" est régulièrement vanté par Donald Trump. Ce fut une nouvelle fois le cas le 21 août lors de l’annonce de nouvelles réglementations destinées à relancer le charbon. Ce concept, très critiqué par les associations environnementales, évoque une technique destinée à rendre l'utilisation du charbon moins polluante mais elle reste en réalité peu développée car très coûteuse.

Sask Power
La relance du charbon, Donald Trump en a fait l’un des chevaux de bataille de sa campagne et aujourd’hui de sa présidence. Dans ses discours sur le sujet, il y vante régulièrement un "charbon propre". Ce fut encore le cas mardi 21 août, lors de l’annonce de son projet de réglementation destiné à maintenir en vie des centaines de centrales à charbon .
Mais à quoi correspond ce "charbon propre" ? Donald Trump n’a jamais expliqué ce qu’il entendait exactement par là… Il faut dire que le terme a de quoi surprendre. Le charbon, qui représente 37% de la production électrique dans le monde, est en effet extrêmement polluant et génère environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial.
Le charbon "a un effet important sur le changement climatique mais aussi un impact sur la pollution locale : on a des émissions de particules fines, de SO2 (dioxyde de soufre), potentiellement de mercure, qui sont nocives pour la population autour de la centrale", rappelle ainsi Nicolas chercheur à l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), interrogé par l'AFP Berghmans.
Derrière le "charbon propre", le captage et stockage du CO2
D’où l’idée de rendre ce combustible plus "propre". Mais le concept a évolué au fil du temps. "D'abord, le charbon propre correspondait à un charbon débarrassé de ses impuretés et plus efficace thermiquement. Mais depuis un certain nombre d'années, on se réfère au charbon propre pour ses performances environnementales", explique Nicolas Berghmans.
Principale piste pour rendre l'utilisation du charbon moins polluante : la technique dite de séquestration et stockage du carbone, qui consiste à capter le CO2 à la sortie des cheminées pour le stocker dans le sous-sol. Pour l’Agence Internationale de l'Energie (AIE) une "action urgente" est nécessaire pour soutenir cette technologie afin de limiter le risque climatique. Pourtant, celle-ci est encore très peu développée. Les capacités de captage de CO2 atteignent seulement 2,4 millions de tonnes par an, alors qu'il faudrait être en mesure d'atteindre les 350 millions de tonnes d'ici 2030, pour respecter l’Accord de Paris sur le climat, selon l'AIE…
Plus "propre", le charbon devient moins compétitif
Il n'existe que deux grandes installations de séquestration et de stockage du carbone sur des centrales en opération : Petra Nova au Texas et Boundary Dam au Canada. Un autre gros projet au Missisipi a été abandonné. La technologie rencontre en effet un double obstacle : celui du choix d'un lieu pour le stockage (géologie appropriée, acceptation par les riverains) et surtout le coût. "Cela double à peu près les coûts de production d'électricité à charbon", souligne ainsi Nicolas Berghmans. L'utilisation plus "propre" du charbon le rendrait ainsi très coûteux et encore moins compétitif en comparaison d'autres sources d'énergie bon marché aux Etats-Unis, les renouvelables et le gaz de schiste.
"La baisse de la production à charbon aux Etats-Unis n'est pas simplement due aux normes environnementales mais à l'économie de la production électrique", constate Nicolas Berghmans. Dans un rapport récent, l'AIE jugeait également qu'aux Etats-Unis, "la demande d'électricité stagnante, l'offre abondante de gaz et la croissance des renouvelables devraient continuer à constituer des obstacles pour l'utilisation du charbon et limiter la perspective d'une résurgence de la construction de nouvelles centrales électriques à charbon".
Béatrice Héraud avec AFP