Publié le 22 octobre 2014

ÉNERGIE

A Fort Berthold, la flambée des crimes et l’impuissance des autorités

Alléchés par les salaires décuplés par le boom pétrolier, les célibataires affluent à Fort Berthold. Mal logés, entre hommes, et cible de choix pour le trafic de drogue, ils se sentent vite au-dessus des lois. La police locale, en face, fait le constat amer de son impuissance à endiguer cette délinquance.

Manifestation contre la hausse de la criminalité à Mandaree, l'une des 5 villes de la réserve indienne de Fort Berthold le 18 juin 2014.
© Compte Facebook "this is Mandaree"

En avril dernier, le ministère de la Justice américain a dû débloquer 3 millions de dollars dans les zones tribales du Bakken "pour les services aux victimes de viol, de violence domestique et de harcèlement".

Dans Fort Berthold et ses environs, le boom pétrolier attire une vague de célibataires venus de tout le pays pour s’enrichir (un chauffeur de poids lourds gagne plus de 10 000 dollars par mois). Faute d’infrastructures, ils sont logés dans des camps. "Le ratio ici est de vingt hommes pour une femme", estime Dennis Johnson, ancien procureur de Watford City.

Pour les habitants, le monde d’avant a disparu: celui où l’on saluait son voisin au carrefour de routes désertes et où l’on laissait les clés sur le contact de sa voiture pour faire une course.

 

Un climat de défiance

 

Un climat de violence s’est installé et la communauté indienne devient extrêmement méfiante vis-à-vis des camps de travailleurs. Elle s’organise avec un fil Facebook, Fort Berthold Safety Watch, qui réunit près d’un millier de membres. Il diffuse les dernières alertes de la police, des portraits-robots de travailleurs ayant un casier judiciaire de délinquants sexuels, et des avis de recherche d’adolescentes en fugue ou portées disparues.

Les autorités de la réserve sont confrontées à une vague de crimes liés au trafic de drogue – héroïne et méthamphétamine, notamment. "C’est le problème numéro un", selon la présidente du tribunal tribal, Diane Johnson, pour qui 90% des crimes sont liés au trafic. "La drogue est en train de détruire notre réserve." Le phénomène engorge le système pénal et les 53 lits de la prison tribale ne suffisent plus.

On manque de tout à Fort Berthold: "officiers de police, substituts du procureur, centres de désintoxication...", énumère la magistrate. Vingt officiers de police quadrillent un territoire grand comme trois fois Los Angeles. Et les menaces de départ parmi le personnel de police sont constantes, tant les offres de travail dans l’industrie pétrolière sont alléchantes.

 

La police indienne entravée

 

 

En 2012, la police indienne a enregistré un record de meurtres, d’agressions sexuelles et de saisies de drogue. Les comtés alentour sont aussi témoins de cette flambée; mais Fort Berthold est une "nation indienne", cela complique les choses. Les lois, héritées d’une histoire conflictuelle avec Washington, limitent le pouvoir de sa police. Depuis un arrêt de la Cour suprême de 1978, les tribus des Etats-Unis ne peuvent poursuivre des personnes d’origine non indienne ayant commis une infraction sur leur sol. La seule origine ethnique des criminels ou des victimes conditionne donc le pouvoir d’un officier tribal. Impossible de démarrer une enquête pour viol si la victime est blanche, ou si le suspect n’est pas un Indien MHA (acronyme de trois tribus, les Mandans, Hidatsas et Arikaras): ces affaires relèvent de la police d’Etat ou du FBI.

Un arrière-goût d’impuissance s’est installé parmi les forces de l’ordre de Fort Berthold. Tandis que dans les camps de travailleurs, le sentiment d’impunité prédomine.

"On a presque le droit de tout faire ici en fait, ironisait un mécanicien dans un reportage du magazine The Atlantic. Sauf quand même de tuer quelqu'un."  

Maxime Robin
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