Publié le 28 janvier 2019
ÉNERGIE
L’Allemagne annonce une sortie du charbon en 2038… un plan à 80 milliards d’euros
L’Allemagne pourrait s’orienter vers une sortie du charbon en 2038, un effort important pour le pays dépendant à 40 % de cette énergie fossile. Berlin devra mettre 80 milliards d’euros sur la table pour y parvenir. Mais cette date est jugée lointaine à l’heure où les dégâts du réchauffement climatique sont de plus en plus visibles.

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Longtemps réfractaire à toucher à cette industrie clé du pays, le pays s'achemine vers une sortie du charbon au plus tard en 2038. La première économie européenne envoie ainsi un signal fort au reste du continent, qui jusqu'ici avance en ordre dispersé sur ce sujet sensible.
"C'est un jour historique", s'est félicité lors d'une conférence de presse à Berlin samedi le président de la commission nationale sur l'avenir du charbon, Ronald Pofalla. Après des mois d'âpres négociations cette instance composée d'experts, associations écologistes et représentants des employeurs et salariés du secteur est parvenue à un accord sur une feuille de route proposée au gouvernement.
Sauf surprise, celui-ci, qui avait lui-même mis sur pied cette commission, devrait suivre ces recommandations. Une réunion à ce sujet entre la chancelière Angela Merkel, le ministre des Finances Olaf Scholz et les présidents des régions concernées est prévue jeudi 31 janvier.
40 milliards d’euros pour la reconversion
Le ministre de l'Économie et de l'Energie Peter Altmaier a indiqué dans l'édition dominicale de la Frankfurter Allgemeine Zeitung que le gouvernement allait "examiner attentivement et de manière constructive" ces recommandations. "Si nous faisons tous un effort et ne perdons pas de vue l'objectif commun, nous pouvons faire de l'Allemagne un pays modèle en matière de politique énergétique", veut croire le ministre des Finances Olaf Scholz.
La fin du charbon aura un coût : les pouvoirs publics allemands pourraient avoir à payer au total jusqu'à 80 milliards d'euros sur 20 ans, s'ils suivent les recommandations. Les régions touchées dans l'ouest et l'est du pays doivent recevoir 40 milliards d'euros d'aides structurelles à la reconversion au cours des 20 prochaines années.
Des dizaines de milliers d'emplois sont directement ou indirectement liés à la production de lignite et de charbon dans le pays. Parallèlement, l'État est invité à débourser au moins deux milliards d'euros par an pour empêcher un envol des prix de l'électricité.
L'énergéticien RWE, qui exploite plusieurs centrales à charbon, notamment en Rhénanie, a cependant estimé que 2038 était "beaucoup trop tôt" pour sortir du charbon. À l'inverse, tout en saluant l'accord, certaines ONG environnementales, comme Greenpeace, voient 2038 comme trop tardive pour atteindre les objectifs de réduction de CO2.La commission n'a pas exclu d'avancer l'abandon du charbon à 2035 si "les conditions" le permettent.
600 000 mineurs
L'Allemagne veut sortir du charbon pour pouvoir respecter ses engagements climatiques de réduction d'émissions polluantes, ce qu'actuellement elle n'est pas en mesure de faire. Le pays s'était engagé à réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 par rapport à 1990, objectif cependant reporté à 2030.
Cette annonce intervient à l’heure où le pays a fermé sa dernière mine de houille dans la Ruhr. Depuis onze ans déjà, les 1 500 salariés de la fosse de Prosper-Haniel se préparaient à cette fermeture annoncée. Au maximum, le pays a compté 600 000 mineurs après la Seconde guerre mondiale. Toutefois, le pays va continuer à ouvrir des mines de lignites et a importé des la houille.
Actuellement, le charbon représente encore près de 40 % du mix électrique du pays, contre seulement 3 % en France. La France fermera ses quatre centrales en 2022. L’Italie et la Grande-Bretagne, très gourmands en charbon, ont prévu ces mêmes fermetures en 2025… 13 ans avant l’Allemagne.
Ludovic Dupin avec AFP