Publié le 28 mars 2023

ÉNERGIE

Société générale et Crédit agricole disent non au très controversé projet de gaz de schiste Rio Grande LNG

La course au gaz naturel liquéfié n'en finit plus. Avec la guerre en Ukraine, la fin des approvisionnements en gaz russe a semé la panique, et les pays sont tous azimuts pour décrocher de nouveaux contrats, France en tête. TotalEnergies serait sur le point de signer un nouveau contrat, permettant de relancer le projet Rio Grande LNG, au Texas. Un projet très controversé d'exportation de gaz de schiste liquéfié, qui n'a cessé d'être reporté ces dernières années.

Terminal methanier rio grande LNG au sud du texas RioGrandeLNG
Le projet Rio Grande LNG exportera à plein régime 27 millions de tonnes de GNL, l'équivalent de la consommation annuelle de 20 millions de foyers.
@Rio Grande LNG

C’est un projet qu’on pensait enterré mais qui semble bel et bien ressuscité… Situé au Texas, à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, Rio Grande LNG, un projet de terminal méthanier exportant du gaz naturel liquéfié (GNL), produit notamment à partir de gaz de schiste, est pourtant extrêmement controversé. Dans les cartons depuis 2017, il avait été plusieurs fois retardé en raison d’un contexte économique défavorable au déploiement du gaz de schiste, qui plus est très décrié pour ses impacts environnementaux. Mais la guerre en Ukraine et la fin des approvisionnements en gaz russe au sein de l’Union européenne ont changé la donne.

Les États et les entreprises tentent par tous les moyens de décrocher des contrats de gaz naturel liquéfié afin de sécuriser leurs approvisionnements. Ainsi, selon le courtier Poten&Partners cité par Les Échos, TotalEnergies serait sur le point de conclure un contrat avec NextDecade, l’opérateur de Rio Grande LNG, pour la livraison de quatre millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an. La major pétrolière française injectera des fonds propres dans Rio Grande LNG, donnant au projet la dernière impulsion pour déclencher la décision finale d’investissement, portant sa capacité contractuelle globale à 86%. Un sacré coup de boost.

"Pas de politique ferme à l’égard de l’importation de gaz de schiste"

Si l’entreprise, contactée par Novethic, n’est pas en mesure de confirmer l’information, elle souligne toutefois "qu'en qualité de second acteur privé mondial du GNL et premier exportateur de GNL nord-américain, TotalEnergies offre en permanence les opportunités de développement dans le GNL, y compris nord-américain, en ligne avec [son] ambition de faire faire croître cette énergie dans [son] portefeuille intégré". Dans son rapport Sustainability & Climate, présenté le 21 mars dernier, TotalEnergies confirme également que parmi ses axes de développement pour le GNL, "il y a la diversification des approvisionnements notamment en provenance des États-Unis".

Et TotalEnergies n’est pas la seule entreprise à s'engouffrer dans la brèche. En 2022, Engie s’était également engagée auprès de NextDecade à acheter à partir de 2026 et jusqu’en 2041 du gaz liquéfié (GNL) exporté via son terminal texan Rio Grande LNG. Quelques mois plus tôt, l’énergéticien tricolore signait aussi un contrat d’importation de gaz de schiste en France avec Cheniere, courant là aussi jusqu’en 2041. Le tout avec l’approbation du gouvernement français, actionnaire d’Engie. Celui-ci avait pourtant fait annuler un contrat d’importation de gaz de schiste américain lié à Rio Grande LNG en 2020 car cet accord "ne correspondait pas" à sa politique de transition écologique.

Depuis, la situation a changé. "Ce contrat incarne comme jamais l’hypocrisie et le double discours du gouvernement vis-à-vis du climat et de la crise énergétique. L’Etat principal actionnaire d’Engie rejetait en 2020 la signature d’un tel contrat car contraire à ses prétentions environnementales, pour mieux revenir aujourd’hui sur cette décision en donnant activement ou implicitement son feu vert", avait alors réagi Lorette Philippot, chargée de campagne Finance privée aux Amis de la terre France. Contactée par Novethic, elle estime que le gouvernement n’a "jamais vraiment eu de politique ferme à l’égard de l’importation de gaz de schiste", dont la production à travers la fracturation hydraulique est interdite en France.

BNPParibas, Société générale et Crédit agricole disent non

Pour faire barrage au projet, les ONG tentent également de sensibiliser les financeurs. Dans une lettre datant du 8 mars, envoyée aux principales banques mondiales et à la Net zero banking alliance (NZBA), 37 organisations appellent les institutions financières à s'engager à ne fournir aucun soutien financier aux projets d'exportation de gaz fracturé du sud du Texas. "L'objectif européen de sécurité énergétique en réponse à la guerre en Ukraine ne peut justifier la construction de nouvelles capacités de transport de GNL car l’alternative au gaz russe réside dans les économies, l'efficacité et les énergies renouvelables", écrivent-elles.

En France, BNP Paribas a pris un engagement public en ce sens, en bannissant le financement de projets liés aux énergies fossiles non conventionnelles. Société Générale qui était conseiller financier sur le dossier, s'est retiré au premier trimestre 2022, indique la banque à Novethic. "Ce retrait de Société Générale est un coup dur pour NextDecade et devrait envoyer un signal clair à ceux qui, comme Total, profitent de la crise pour parier sur l’industrie sale du gaz de schiste", réagit Lorette Philippot.

Crédit agricole nous affirme de son côté qu'il ne financera pas Rio Grande LNG. Reste BPCE qui n’a pas pris d’engagements en ce sens. La crainte est que ces investissements ne deviennent à terme des actifs échoués, c'est-à-dire des actifs qui perdent leur valeur à cause de l'évolution du marché. Selon une analyse de l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), les capacités d'importation actuellement prévues dépasseraient largement la demande de GNL d'ici 2030.

L'intérêt d'un projet comme Rio Grande LNG reste donc à démontrer. Il exportera à plein régime 27 millions de tonnes de GNL, l'équivalent de la consommation annuelle de 20 millions de foyers. Outre sa pertinence économique, les ONG estiment qu'il "nuirait aux populations locales, violeraient les droits autochtones, dégraderait les écosystèmes, et nous enfermerait dans des décennies d'émissions de gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement climatique".

Concepcion Alvarez


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