Publié le 03 novembre 2014
ÉNERGIE
Energies fossiles : l’Allemagne contrainte d’amorcer sa sortie du charbon
L’annonce résonne comme un coup de tonnerre outre-Rhin : le 30 octobre dernier, Magnus Hall, le nouveau président et PDG du groupe énergétique suédois Vattenfall a officialisé la vente de la branche charbon allemande de son entreprise. Une nouvelle difficile à digérer pour la région allemande, qui avait tout misé sur cette énergie de "transition". Mais une décision qui va dans le sens du désengagement de l’Allemagne dans l’exploitation du charbon au profit des énergies renouvelables.

© Mine de lignite et centrale à charbon exploitée par Vattenfall dans l'est de l'Allemagne.
"Notre stratégie vise clairement la baisse des émissions de CO2 de nos activités et un changement de stratégie vers les énergies renouvelables. C’est pour cette raison que le conseil de surveillance cherche un nouveau propriétaire pour la branche charbon", déclare Magnus Hall, le nouveau président et PDG du groupe énergétique suédois Vattenfall, dans une conférence téléphonique tenue lors de la présentation des chiffres du troisième trimestre. Concrètement, Vattenfall va vendre tous les actifs liés au charbon qu’il possède dans l’est de l’Allemagne. Soit cinq mines de lignite et quatre centrales à charbon. Une décision qui vaut son pesant de térawattheure: Vattenfall produit 60 TWh par an d’électricité, soit 10% de la production allemande.
Un changement de stratégie inévitable
Ce revirement vers les nouvelles énergies fait suite à de froids calculs: le groupe détenu par l’Etat suédois affiche, pour le troisième trimestre 2014, un déficit de... 18,1 milliards de couronnes suédoises (contre un bénéfice de 1,5milliard pour la même période l’année précédente). A l’instar de ses concurrents allemands, Vattenfall se voit contraint d’adapter sa stratégie à la nouvelle donne énergétique. Poussés par la part croissante des nouvelles énergies dans l’alimentation énergétique de l’Allemagne, et le besoin de créer de nouvelles sources de revenus, les quatre acteurs traditionnels – RWE, Eon, New et, donc, le suédois Vattenfall – doivent revoir leurs modèles commerciaux.
Un lourd impact humain en perspective
Les responsables politiques des gouvernements régionaux de Brandebourg et de Saxe, deux Länder issus de l’ex-RDA où Vattenfall exploite le lignite et ses centrales à charbon, doivent maintenant digérer la nouvelle: ils ont tout misé sur le charbon, présenté comme une énergie de transition jusqu’à son remplacement par les nouvelles énergies. Avec 2040 comme ligne d’horizon... Autre écueil, l’influence du groupe énergétique suédois sur le marché régional de l’emploi est importante : sur les 30 332 salariés du groupe, plus de 17 000 travaillent en Allemagne dont 8 000 dans la région du Lausitz, qui chevauche les Länder du Brandebourg et de Saxe.
L’impact environnemental des mines et des centrales exploitées par Vattenfall est quant à lui catastrophique. "Ces centrales émettent autant de CO2 que la Suède tout entière", s’insurge Axel Vogel, président du groupe des Verts au parlement régional du Brandebourg. "Les émissions de CO2 dans notre Land s’élèvent à 25 tonnes par an et par tête d’habitants contre une moyenne européenne de 10 tonnes." Vattenfall émet un total de 60 millions de tonnes de CO2 par an en Allemagne. Sans compter les milliers d’hectares engloutis par les excavateurs à roue et les milliers de déplacements de personnes.
A titre d’exemple: en juin dernier, le gouvernement régional du Brandebourg a approuvé le projet de l’énergéticien d’étendre sur 1 900 hectares sa mine de Weldon-Sud. L’exploitation, en activité depuis le début des années 70, a déjà conduit au déplacement ou à la disparition de plus de 15 villages des environs. La nouvelle tranche, qui doit entrer en activité en 2026, se soldera par le déplacement de 800 personnes supplémentaires. Quid de ce projet après le revirement de Vattenfall ? Aucun détail n’a été encore donné.
Sortie de route programmée pour le charbon
"Cette situation ne correspond pas à l’image verte que la Suède veut donner. C’est pour cette raison que l’Etat suédois, propriétaire à 100% de Vattenfall, a fixé cette nouvelle réorientation vers les énergies renouvelables", explique Axel Vogel, qui relève une contradiction. "Vendre la branche charbon améliorerait certainement le bilan carbone de la Suède, mais pas celui de la planète. C’est la fermeture progressive des exploitations qu’il faut. Pas un changement de propriétaire."
Du côté du ministère allemand de l’Economie et de l’Energie, l’annonce du groupe suédois tombe en revanche à point nommé: le ministre Sigmar Gabriel envisage depuis quelques semaines la fermeture d’une vingtaine de centrales à charbon devenues déficitaires. Pas de doute, en Allemagne, la sortie du charbon devient réalité.