Publié le 03 août 2018
ÉNERGIE
[Décryptage] La crise est passée pour les producteurs d’or noir… dans l’attente d’un futur choc pétrolier
Pas sûr que la transition énergétique mondiale apprécie la nouvelle. Le deuxième trimestre 2018 marque une hausse importante des bénéfices des grands pétroliers mondiaux. De 28 % chez Total, à 235 % chez Chevron ! C’est la remontée des cours qui fait son effet. Désormais, un choc pétrolier n’est pas à exclure à moyen terme.

@Shell
C’est un paradoxe presque incompréhensible. Alors que l’été 2018 nous montre un changement climatique bien réel avec des températures extrêmes et des incendies jusqu’en Laponie… Alors que la Terre nous hurle de stopper nos émissions de CO2, les pétroliers ne se sont jamais aussi bien portés. Les résultats publiés par les plus grandes majors montrent des hausses inédites des bénéfices.
Le Français Total affiche ainsi un bénéfice de 6,4 milliards de dollars pour le premier semestre 2018, en hausse de 28 %. Sur le deuxième trimestre, Shell a engrangé 4,7 milliards de dollars, en hausse de 30 %. BP, qui est libérée de la marée noire dans le golfe du Mexique, enregistre un bénéfice multiplié par 19 à 2,8 milliards de dollars. Exxon progresse de 18 %... et Chevron de 235 %.
72 % de croissance
En moyenne, la banque suisse UBS attend des bénéfices pour l'ensemble du secteur pétrolier en progression de 72 % pour le seul deuxième trimestre. Les analystes soulignent qu'il s'agit du septième trimestre consécutif de hausse.
Une conjoncture due à la hausse des cours du baril. Il est désormais installé entre 70 et 75 dollars. Or depuis la crise de 2014, les pétroliers ont œuvré à mettre en place des plans d’économies pour abaisser leur point mort, le prix du baril à partir duquel ils gagnent de l’argent. En quatre ans, il est passé de 80 dollars à moins de 30 dollars.
Un baril à 120 dollars
Le baril devrait maintenant se renchérir rapidement. À court terme, les analystes d’UBS voient un prix à 85 dollars. Puis un pic à 120 dollars pourrait survenir à moyen terme et entraîner une nouvelle crise économique. La prévision des cours pétroliers est, certes, un jeu hasardeux sur lequel bien des experts ont trébuché. Mais trois facteurs semblent soutenir ces deux hypothèses.
Premièrement, il y a l’accord entre l’OPEP et la Russie pour limiter la production et soutenir les prix. Une politique à l’œuvre depuis plus d’un an et qui porte ses fruits. Deuxièmement, les tensions entre les États-Unis et l’Iran sur l’accord nucléaire inquiètent les marchés. D’autant plus que, face au blocus de Washington, l’Ayatollah Ali Khamenei a menacé de fermer le détroit d’Ormuz par où transite 30 % du pétrole mondial…. Et Téhéran n’a pas hésité à déjà mettre en branle ses navires de guerre.
Tensions sur la production
Troisièmement, et c’est l’indicateur le plus fiable, il y a un risque de tensions sur l’approvisionnement. Pour encaisser la baisse des cours, les pétroliers ont coupé leur budget d’exploration-production. Les investissements sont passés de 733 milliards de dollars en 2013 à 389 milliards en 2017.
Aussi l’année dernière, seuls 11 milliards de barils ont été découverts, 13 % de moins qu’en 2016, rapporte l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Elle rappelle dans le même temps que la demande pétrolière continue à croître. Il faudra 1,3 million de barils supplémentaires par jour en 2018 pour atteindre une consommation quotidienne de 99,1 millions de barils.
Ludovic Dupin @LudovicDupin