Publié le 18 mai 2018
ÉNERGIE
Climat, pétrole et actionnaires : le test Shell
L'Assemblée Générale de Shell du 22 mai va être le théâtre d'un bras de fer entre les actionnaires qui veulent pousser la compagnie vers une stratégie climatique compatible avec l’Accord de Paris et ceux qui ne veulent pas s’opposer aux dirigeants du groupe pétrolier. Le score de la résolution déposée par l'ONG environnementale néerlandaise Follow This va les départager. Pour la troisième année, cette dernière essaie d’obliger la compagnie pétrolière à mettre en place des scenarios 2 degrés crédibles.
@FollowThis
"Actionnaires mettez en cohérence vos votes et vos déclarations publiques, soutenez la résolution climat 19", lance Catherine Howarth, directrice de Share Action qui participe à la campagne de soutien au texte soumis aux actionnaires de Shell par l’ONG environnementale Follow this le 22 mai. Elle jette toutes ses forces dans la bataille pour les convaincre d’envoyer un message fort : "Les investisseurs membres de l’initiative Carbon Action 100+ ont toutes les raisons de soutenir cette résolution pour dire aux conseils d’administration du monde entier que le changement climatique est bien un sujet économique et financier."
L’Assemblée générale 2018 est en quelque sorte le 3eme round d'un combat entamé dès 2015. Cette année-là la coalition Aiming for A dépose une résolution pour demander à Shell de faire un reporting climat. Elle obtient 98,9 % des voix. Ce succès inattendu s'explique à la fois par le contexte de mobilisation qui a précédé l’Accord de Paris mais aussi et surtout par le choix fait par les dirigeants de Shell de soutenir le texte.
Les actionnaires face à leurs contradictions
Les deux années suivantes Follow this, ONG environnementale néerlandaise, prend le relai mais se heurte à l’opposition de la compagnie qui conteste son souhait de la voir se transformer en producteur d’énergies renouvelables. En 2017 la mobilisation des investisseurs les plus engagés dont la Caisse des dépôts ne rallie pas suffisamment de suffrages et la résolution n'est soutenue que par 7 % des actionnaires.
En 2018, le résultat du vote pourrait mettre face à leurs contradictions certains grands investisseurs sommés de choisir entre Shell, opposé à une résolution qui les contraindrait à faire une transition énergétique trop rapide, et leurs engagements publics sur le climat. Il donnera une nouvelle ampleur au débat sur le mode d’action le plus efficace pour réduire in fine les émissions de gaz à effet de serre des entreprises. Doivent-ils garder leurs actions des entreprises les plus carbo-intensives pour les faire évoluer de l’intérieur ou les vendre et exclure de leurs portefeuilles une industrie qui renoue avec les profits grâce à la remontée des cours du pétrole ?
Quel que soit le moyen d’action choisi, le plus important reste l’objectif de l’Accord de Paris. Or maintenir le réchauffement climatique en deçà de 2 degrés suppose une remise en cause planétaire du modèle tout pétrolier. C’est en cela que le vote de l’AG de Shell permettra de tester la volonté des uns et des autres d’accélérer le mouvement.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic