Publié le 05 janvier 2016
ÉNERGIE
Ces pays qui ont réduit leurs subventions aux énergies fossiles
Une trentaine de pays à travers le monde ont pris des mesures de réduction des subventions aux énergies fossiles. Des subventions qui atteignent, selon les différentes estimations, jusqu’à 5 300 milliards de dollars par an si l’on prend en compte les impacts négatifs des énergies fossiles sur l’environnement ou sur la santé. Les économies émergentes sont particulièrement actives pour réduire ces soutiens. Tour d’horizon.

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"La réforme des subventions aux combustibles fossiles est la pièce manquante du puzzle de changement climatique", avait déclaré John Key, le Premier ministre néo-zélandais. Une déclaration prononcée le jour de l’ouverture de la COP21, le 30 novembre, au Bourget. "On estime que plus d'un tiers des émissions mondiales de CO2, entre 1980 et 2010, ont été causées par les subventions aux combustibles fossiles. Leur élimination représenterait un septième de l'effort nécessaire pour atteindre notre objectif de 2°C. Comme pour toute réforme, le changement nécessite du courage et une forte volonté politique, mais avec des prix du pétrole au plus bas et un avenir sobre en carbone, le calendrier n'a jamais été meilleur."
Réformer les subventions aux énergies fossiles, une volonté unanimement partagée par les gouvernements et les instances internationales. La question n'a pas été concrètement mise sur la table à la Conférence de Paris, mais elle l’a été en filigrane : la CCNUCC (Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques), avec la Banque mondiale et la coalition We Mean Business, ont ainsi signé une déclaration reconnaissant l'importance de mener une telle réforme. Le G20 avait déjà pris cet engagement dès 2009. Et l’a réitéré dans une nouvelle déclaration publiée à Antalya en novembre, sans pour autant arrêter un calendrier ni prendre des mesures précises pour y arriver... Mais dans les faits, ces déclarations sont encore trop peu suivies d'actes.
Une motivation avant tout économique
Une trentaine de pays à travers le monde ont entrepris de réduire leurs soutiens au pétrole, au charbon et au gaz. Parmi les exemples les plus récents, le Mexique a supprimé son système d’aides variables aux carburants, économisant 16 milliards de dollars entre 2012 et 2014. L’Égypte a aussi augmenté les prix du carburant de 78 % en 2014 et va doubler les prix de l'électricité au cours des cinq prochaines années. Et l'Iran a augmenté les prix de l'essence de 75 % en avril dernier.
"Les gouvernements qui réduisent leurs subventions aux combustibles fossiles le font principalement pour des raisons économiques afin d’alléger leurs budgets", précise Shelagh Whitley de l'Overseas Development Institute (ODI), co-auteure d'un rapport publié en novembre sur le sujet. Ce document compare 15 pays ayant mené une telle réforme. "La pollution de l’air et ses dangers sur la santé sont parfois invoquées. Mais l’argument environnemental est plus rarement cité."
Les choses bougent principalement dans les pays émergents, importateurs de pétrole, qui profitent des prix très bas du baril pour réformer les aides à la consommation sans soulever de mouvement de protestation au sein de la population. En Inde, par exemple, les subventions au diesel ont été supprimées en 2014 avec à la clé une économie de 10 milliards de dollars. L’Indonésie, où le prix du carburant est parmi les moins chers au monde, a elle aussi drastiquement réduit ses aides au gazole et à l’essence, dégageant ainsi 14 milliards de dollars entre 2014 et 2015.
"En Egypte, les subventions aux énergies fossiles ont eu des impacts sociaux, économiques et environnementaux négatifs importants" note le rapport. En 2013, le ministère égyptien du pétrole a révélé que 92 % des subventions à l'essence et 66 % des subventions de gaz naturel allaient aux 20 % des consommateurs les plus riches. Des subventions qui ont contribué de manière significative au déficit budgétaire du pays et à la pollution de l'air, entraînant plus de 15 000 décès par an.
Des mesures compensatoires pour les plus pauvres
Parmi les pays réformateurs, on compte également de nombreux pays pétroliers comme l’Angola, le Canada, le Ghana, l’Iran, le Mexique, le Nigeria ou les Emirats Arabes Unis. Des pays où les gouvernements accordent généralement des subventions importantes pour la consommation de combustibles fossiles. En 2014, le gouvernement angolais a ainsi dépensé plus pour les subventions aux énergies fossiles que pour la santé et l'éducation combinées, soit 3,7 % de son PIB ! Afin de remédier à la situation, le pays a réduit l’an dernier ces soutiens de 60 %.
Au Ghana, en 2004, le coût total des subventions au carburant représentait 2,2 % du PIB, dépassant le budget total du ministère de la Santé. Après plusieurs tentatives de réformes, le gouvernement est parvenu à réduire ses soutiens aux fossiles en menant un dialogue constant avec les parties prenantes et la société civile. Il a également mis en place des mesures complémentaires pour amortir l’augmentation des prix : élimination des frais pour l'enseignement ; fonds supplémentaires pour les soins de santé dans les régions pauvres ; distribution d’ampoules compactes fluorescentes pour réduire les coûts de l'électricité domestique.
"Il faut veiller à ce que les réformes n’aggravent pas le sort des plus défavorisés. C’est pourquoi de telles mesures compensatoires sont indispensables pour mener à bien une réforme des subventions aux énergies fossiles", confirme Shelagh Whitley.
Les pays riches à la traîne
Les pays les plus riches sont en revanche plus lents à prendre ce virage … avec des progrès néanmoins perceptibles dans un certain nombre de pays de l’OCDE, d’une ampleur moindre. L’Allemagne a ainsi réduit ses subventions aux mines de houille situées en Rhénanie du Nord-Westphalie, passant de 4,8 milliards d’euros en 1998 à 1,5 milliard d’euros en 2014. Ces subventions devraient être totalement supprimées d’ici 2018. De même, entre 1990 et 2007, le Canada a annoncé son intention de réformer quatre exonérations fiscales concernant l’extraction d’énergies fossiles (charbon et sables bitumineux) qui ont une valeur totale de 904 millions de dollars par an.
"Mais il n'y a aucun pays qui soit vraiment exemplaire. Tous continuent de subventionner les fossiles. Et certains comme le Canada suppriment des aides mais en rajoutent d’autres par ailleurs (sur le gaz naturel liquéfié, NDLR)", tempère Shelagh Whitley. "Avec notre étude, nous avons rassemblé les différentes pièces d’un puzzle pour montrer que chaque cas est unique et qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’y arriver. Le but est de pousser les gouvernements à l’action en leur proposant de piocher dans cette boîte à outils."
En France, le gouvernement a confirmé l’arrêt des soutiens au charbon à l’export après des mois d’atermoiements, et a annoncé, le 15 octobre dernier, l’alignement d’ici cinq ans du prix du gazole sur celui de l’essence.
Supprimer les subventions aux énergies fossiles permettrait de générer 12 % des réductions d'émissions de gaz à effet de serre nécessaires d'ici 2020 pour atteindre l’objectif de limiter l’augmentation de la température globale sous les + 2° C, selon l'agence Internationale de l'Energie (AIE).