Publié le 22 septembre 2021

ÉNERGIE

Attendu sur les enjeux climatiques, Shell tire un trait sur le gaz de schiste américain

Sous pression des investisseurs pour réduire sa production d’hydrocarbures et diminuer ses émissions, le géant pétrolier anglo-néerlandais a décidé de céder toutes ses activités dans le gaz de schiste au Texas. Un compromis qui illustre les dilemmes d’une entreprise tiraillée entre son cœur de métier historique et les nécessités de la transition climatique.

Shell Texas LNG Mark Felix AFP
Shell a vendu ses actifs dans le pétrole et gaz de schiste américains à Conoco Phillips
@MarkFelix/AFP

Shell a annoncé le 20 septembre son retrait de l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste dans le bassin Permien (Texas), la plus grande zone de production d’hydrocarbures aux États-Unis. L’entreprise vend l’intégralité de ses actifs à son concurrent américain Conoco Phillips pour 9,5 milliards de dollars : la somme servira à rembourser des dettes et à verser près de sept milliards de dollars aux actionnaires.

Alors que le prix du baril de pétrole flirte toujours avec les 75 dollars, la décision de Shell n’est pas motivée par la pression économique. Ce contexte crée plutôt une bonne porte de sortie pour la compagnie, obligée de donner des gages sur sa stratégie de transition climatique après un jugement historique rendu en mai aux Pays-Bas qui en pointait les insuffisances. Par ailleurs, les actionnaires, de plus en plus pressés d’agir par les ONG, sont attentifs à la prise en compte du climat par leur entreprise.

L’impact environnemental de cette transaction risque pourtant d'être nul, si ce n’est négatif. Shell embellit son bilan en réduisant son activité, donc mécaniquement ses émissions. Mais Conoco Phillips qui reprend cet actif ne va pas fermer les puits, loin de là. Plus opportuniste, le pétrolier a déjà fait part de son intention d’augmenter de plus de 10 % la production des puits acquis.

Un avenir toujours flou

Toutefois, les actionnaires se féliciteront peut-être de ce premier geste de Shell, qui s’accompagne d’une généreuse redistribution via les rachats d’actions prévus. Cependant, elle illustre aussi la difficulté des dirigeants de la major à imaginer comment employer les moyens à leur disposition pour préparer l’entreprise à atteindre de manière crédible son propre objectif de devenir zéro émissions d’ici à 2050.

Le groupe, basé à La Haye (Pays-Bas) a pour l’instant refusé, au contraire par exemple de son concurrent BP, d’acter un déclin de ses activités de production d’hydrocarbures dans sa stratégie à moyen terme. Elle a lancé le développement d’un nouveau champ dans le golfe du Mexique cet été, dont la production prévue (100 000 barils par jour) représente plus de la moitié de celle des puits vendus à Conoco Phillips (175 000 barils par jour). Elle cherche aussi à se renforcer sur le segment du gaz naturel et du gaz naturel liquéfié, qui est un axe de développement de sa stratégie post-2030.

L’ambivalence de la stratégie des dirigeants de Shell reflète les dilemmes de tout un secteur. Mike Wirth, PDG de Chevron, les a résumés en une formule honnête et lapidaire : "Nous préférerions distribuer notre argent en dividendes aux actionnaires et leur laisser le choix de planter des arbres". Une sortie qui suit de près l’annonce la semaine dernière d’un plan de transition de 10 milliards de dollars décidé sous la pression des actionnaires.

Paul Kielwasser


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