Publié le 24 février 2015

ÉNERGIE

Algérie : première manifestation nationale contre l’exploitation du gaz de schiste

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté en Algérie contre l’exploitation du gaz de schiste sur leur sol. Malgré deux mois de mobilisation des habitants du sud du pays, les autorités refusent de suspendre les forages.

Alger, le 24 février 2015 : un manifestant brandit un panneau exprimant son opposition à l’exploitation du gaz de schiste.
Farouk Batiche / AFP

Le choix de la date était symbolique.

Le 24 février 1971, le président algérien Houari Boumédiène nationalisait les hydrocarbures. Quarante-quatre ans plus tard, les associations algériennes lançaient un appel à manifester dans 18 villes contre l’exploration du gaz de schiste.

A 1 200 kilomètres au sud d’Alger, dès 8 heures, plusieurs milliers de personnes ont défilé ce mardi sous le soleil à In Salah. Des femmes vêtues de voiles colorés, des hommes et des enfants, ont traversé la ville en scandant "Non au gaz de schiste".

La veille, les militants avaient insisté, lors d’une conférence de presse: "le mouvement se poursuivra jusqu'à l'arrêt des opérations de forage".

Cette ville de 50 000 habitants où a débuté l’exploration des premiers puits de gaz de schiste vit au rythme de manifestations quasi quotidiennes depuis bientôt deux mois. Les habitants craignent les conséquences environnementales de la fracturation hydraulique.

Dans les villes sahariennes voisines de Ouargla et Tamanrasset, plusieurs centaines d’habitants ont participé aux défilés. À Batna, à l’ouest, et à Tlemcen, à l’est, des dizaines de manifestants se sont réunis, brandissant des pancartes: "Nous sommes tous In Salah."

 

Interpellations au cœur d’Alger

 

Dans la capitale, où les manifestations sont interdites depuis 2001, des dizaines de cars de police avaient été postés dans le centre-ville dès l’aube.

Vers 10h30, une centaine de manifestants, dont les leaders des partis de l’opposition, qui tentaient de rejoindre la place de la Grande poste ont rapidement été encerclés par les forces de l’ordre. Une vingtaine de personnes ont été interpellées.

A la fin de la manifestation, Abderrezak Makri, leader du MSP, principal parti islamiste du pays, s’est ouvertement réjoui: "c'est un jour historique. Nous avons réussi à briser le silence".

Le candidat à l’élection présidentielle d’avril 2014, Ali Benflis a, quant à lui, dénoncé un "pouvoir pharaonique. Il faut un large débat sur le gaz de schiste qui concernera à la fois le peuple et les institutions".

 

17 000 milliards de mètres cubes

 

Malgré la contestation, les autorités défendent l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels pour compenser la baisse des cours pétroliers, principale source de revenus du pays.

Selon des études internationales, les sous-sols algériens contiendraient 17 000 milliards de mètres cubes de gaz non conventionnels: un marché immense pour les multinationales.

Fin 2012, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait qu’Alger et Paris allaient signer un accord pour lancer des recherches françaises en territoire algérien sur l’exploitation de gaz de schiste.

Des contrats d’exploration ont été attribués à l’américain Halliburton, au norvégien Statoil et au français Total.

Si, le 23 février, le ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, a promis la création d’un observatoire autonome pour le contrôle des opérations de prospection, le président-directeur général de Sonatrach, l’entreprise pétrolière nationale, répète que les opérations de forage ne vont pas s’interrompre.

 

"Dons de Dieu"

 

Depuis un an, dans le sud du pays, les militants ont sensibilisé les habitants, à l’aide de tracts et d’autocollants.

Ils ont organisé des débats, écrit un moratoire qu’ils veulent remettre au Président, et réalisé un film sur les pollutions provoquées par l’exploration du puits de In Salah.

Un communiqué de la présidence, publié le 24 février, leur laisse néanmoins peu d’espoir.

Pour Abdelaziz Bouteflika, "le pétrole, le gaz conventionnel et de schiste, les énergies renouvelables sont des dons de Dieu. Il nous incombe de les faire fructifier et den tirer profit, pour nous et pour les générations futures, en veillant scrupuleusement à assurer la sauvegarde de la santé de la population et la protection de lenvironnement".

Yasmine Saïd
© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

Pour aller plus loin

Dakota du Nord : la réserve indienne de Fort Berthold frappée par la malédiction du pétrole de schiste

Un Etat rural de l’Ouest américain où 40% de la population n’a pas de travail et où les Indiens vivotent grâce aux aides du gouvernement en échange de leurs terres… ça, c’était avant. Avant que la réserve de Berthold soit le décor d’un boom provoqué par l’extraction de pétrole de schiste....

Chute des cours du brut : le modèle économique du secteur pétrolier menacé

Les compagnies pétrolières et parapétrolières sont contraintes de se serrer la ceinture face à la chute des cours du brut. Les petites sociétés d’exploration-production qui ont financé leur développement par la dette sont les plus impactées. Les majors, elles, sont pressées de s’expliquer...

Shell, GDF Suez et Samsung remportent les prix Pinocchio 2014

Le 18 novembre, 61 000 votants ont désigné Shell, GDF Suez et Samsung comme les mauvais élèves du développement durable. Ce vote était organisé par les Amis de la Terre, en partenariat avec Peuples Solidaires-ActionAid France et le Centre de recherche et d’information pour le développement...

Risque carbone : BP et Shell sous la pression des investisseurs

Quel sera l’impact du changement climatique sur les compagnies pétrolières ? Cette question devrait animer les prochaines assemblées générales de Shell et de BP au printemps 2015. Plus d’une cinquantaine d’investisseurs d’importance viennent de déposer des résolutions pour obliger ces deux...

Énergies renouvelables : pourquoi la baisse des prix du baril de pétrole ne nuit pas aux investissements

La chute vertigineuse des cours du brut n’a entamé en rien les décisions d’investissement dans les énergies renouvelables (EnR). Ces dernières ont même progressé de 16% en 2014. Et sont attendues en forte hausse cette année dans l’éolien et le solaire. Comment expliquer ce paradoxe ?

ÉNERGIE

Energies fossiles

L’extraction des énergies fossiles se fait à un coût environnemental de plus en plus élevé. Si leur épuisement est encore lointain, les modèles économiques qui ont fait la fortune des grandes compagnies pétrolières sont aujourd’hui bousculés.

Manifestations energies fossiles NY 170923 LEONARDO MUNOZ AFP

Stopper les énergies fossiles, mot d’ordre des manifestants de New York pour le président Biden qui les développe

Des marches pour sortir des énergies fossiles étaient organisées dans 700 points du globe ce week-end pour remobiliser sur la lutte contre le changement climatique. La plus attendue avait lieu dimanche dans les rues de New York. Ses milliers de participants avaient placé en tête de cortège leur...

Financement energies fossiles petrole banque istock Leestat

Sortie des énergies fossiles : Le G20 échoue à tirer les leçons du premier bilan mondial de l'Accord de Paris

Le G20 de Delhi était le premier grand rendez-vous en amont de la COP28, et il se solde par un échec. Pourtant, l'occasion était belle de se saisir du premier bilan de l'action climatique, publiée la veille de l'ouverture du sommet, et ainsi donner l'élan tant attendu pour une action climatique...

Eoliennes luzerath allemagne RWE mine charbon Alle Dorfer

L'énergéticien RWE démolit des éoliennes pour agrandir une mine de charbon en Allemagne

Tout un symbole ! En Allemagne, le géant RWE est en train de démonter des éoliennes pour agrandir une mine à ciel ouvert de charbon, le tout avec le feu vert du gouvernement. Avec la guerre en Ukraine et les coupures de gaz russe, le pays a relancé des projets de charbon, bien que ce soit la plus...

Influenceurs petroliers capture ecran Instagram

Les influenceurs, nouvelle arme des pétroliers pour redorer leur image

Les compagnies pétrolières n’hésitent plus à faire appel à des influenceurs pour leurs campagnes de communication. Leur but : promouvoir leur imaginaire et regagner la confiance de générations sensibilisées à la crise climatique. Une méthode mise en lumière par le média indépendant DeSmog qui a...