Publié le 27 juin 2016
ÉNERGIE
Pascal Canfin (WWF) : le Brexit, une fenêtre pour geler Hinkley Point
Le Brexit préoccupe le directeur France du WWF. Pascal Canfin s’inquiète des conséquences de la sortie britannique de l’Union européenne sur l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique ; mais il y voit aussi l’opportunité de mettre un coup d’arrêt à l’EPR d’Hinkley Point.

Karim Jaafar / AFP
Novethic : Quelles peuvent être les conséquences du Brexit sur l’environnement en Grande-Bretagne ?
Pascal Canfin. L’analyse réalisée par la branche du WWF en Grande-Bretagne pendant la campagne électorale est assez claire. Elle démontrait que l’Europe avait eu un impact positif pour les politiques environnementales au Royaume-Uni. Les auteurs de l’étude ont planché sur les impacts concernant la biodiversité, l’énergie et l’agriculture notamment. Ils en avaient conclu qu’il y a davantage de bénéfices environnementaux à demeurer au sein de l’Union européenne que l’inverse.
L’Union européenne a-t-elle un programme environnemental commun ?
Quand on a intégré à l’UE d’anciens pays du bloc de l’Est, il est vite devenu évident que tous les acteurs européens n’avaient pas la même culture, ni le même mix énergétique et donc pas les mêmes priorités d’un point de vue environnemental. L’ambition européenne a de facto été tirée vers le bas ces dernières années par rapport aux années 1990-2000. Il s’agit toujours de trouver le bon équilibre pour avancer à 28 sans adopter pour cela le plus petit dénominateur commun. Par définition, les problèmes environnementaux ne connaissent pas de frontières. Nous avons donc intérêt à mettre en place des politiques qui tirent tout le monde vers le haut. Ce n’était pas vraiment le cas ces dernières années.
"Un acteur ambitieux sur le climat quitte l'UE"
Dans ce contexte-là et à la lumière de la sortie du Royaume-Uni, quelle va être la capacité de l’UE à produire une politique de l’environnement ambitieuse ?
C’est évidemment trop tôt pour le dire. Ce que l’on peut en revanche constater, c’est que la Grande-Bretagne était plutôt un pays leader. En matière de réduction des gaz à effet de serre, elle était prête à aller au-delà des –40% d’émissions de CO2 d’ici 2030 (la position commune de l’UE, NDLR). Ce départ risque de ne pas aider l’Europe à être ambitieuse sur ces questions et notamment sur le climat.
Cet affaiblissement est-il conséquent ou bien ne sera-t-il visible qu’à la marge ?
Ça dépend des sujets. Mais globalement, c’est plutôt un acteur ambitieux qui s’en va. Les conséquences pour le projet européen seront, à mon avis, négatives. Pour jauger de l’importance néfaste de cette sortie, il faut attendre de voir qui succèdera à David Cameron (le Premier ministre actuel qui a annoncé sa démission pour l'automne, NDLR). La couleur du prochain gouvernement fera une grande différence.
Geler Hinkley Point
Vous avez récemment publié une tribune dans le journal Le Monde dans laquelle vous expliquez avec Pierre-René Lemas (directeur général du groupe Caisse des dépôts dont Novethic est une filiale), Gérard Mestrallet (président de Paris Europlace) et Philippe Zaouati (directeur général de Mirova) que le leadership de Paris en tant que place forte de la finance verte était susceptible d’être menacé par la City. Le Brexit change-t-il la donne de ce point de vue ?
L’effet que cela va avoir, c’est que l’on va assister à une déstabilisation au moins à court et moyen termes de l’écosystème de la City. Ce sera vrai sur ses règlements, sur le cours monétaire, etc. Dans ce cadre, on peut néanmoins imaginer que le développement d’un hub de la finance verte ne sera pas une priorité dans les prochaines semaines et les prochains mois pour Londres. Mais si on adopte un raisonnement concurrentiel, c’est effectivement un avantage pour la place de Paris.
A l’aune du Brexit, le projet d’EPR (nucléaire de 3ème génération) qui doit être construit à Hinkley Point par EDF est-il remis en question ?
Dans ce dossier, la France était jusqu’à présent coincée politiquement. Elle ne pouvait pas revenir sur la parole donnée, même si les conditions économiques sont compliquées et si une bonne partie de la maison EDF considère que c’est totalement déraisonnable d’un point de vue financier. Compte-tenu du nouveau contexte, les conditions politiques, économiques et monétaires étant totalement différentes, la France peut être amenée à revoir sa position. Pour le dire simplement, si un nouveau gouvernement se met en place et que les accords commerciaux et financiers entre la Grande-Bretagne et la France deviennent incertains ou sont remis en question, cela offre une fenêtre politique à la France pour dire : dans ce contexte-là, on gèle le projet.