Publié le 30 août 2018
ÉNERGIE
Nicolas Hulot parti, de nouveaux réacteurs nucléaires en prévision ?
Trois jours après la démission du ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, un rapport prône la construction de six réacteurs nucléaires de type EPR à compter de 2025, selon Les Echos. Le sujet devrait être à l’ordre du jour de la préparation de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) à l’automne.

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Un rapport classé "secret défense" et prônant la construction de 6 réacteurs nucléaires type EPR a-t-il été la goutte d’eau pour Nicolas Hulot ? Lors de sa démission mardi 28 août, l’ancien ministre de la Transition écologique a fustigé l’énergie atomique, "cette folie inutile économiquement, techniquement, dans laquelle on s'entête".
L'ancien ministre, qui avait déjà dû annoncer un report du passage de la part du nucléaire à 50% du mix énergétique inscrit dans la loi de Transition énergétique, n'a jamais caché son opposition à la construction de nouveaux réacteurs. Et ce, alors qu'EDF remet régulièrement sur la table l'idée d'une construction rapide d'un deuxième réacteur de troisième génération (EPR), après celui de Flamanville (Manche).
Construire pour garder les compétences
Or, selon le journal Les Echos, il venait de recevoir un rapport plaidant pour la construction d'un premier lot de six nouveaux EPR à partir de la prochaine décennie. Celui-ci avait été commandé par lui-même et le ministre de l’Economie pour étudier "le maintien des capacités industrielles de la filière nucléaire en vue de potentielles nouvelles constructions de réacteurs".
Selon les auteurs du rapport, dont Yannick d'Escatha, ancien administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et actuel conseiller du président d'EDF qui s’est occupé du volet civil, la relance de la construction permettrait en effet de ne pas perdre les compétences sur le nucléaire, de donner des perspectives aux salariés et d’assurer la relève. Le rapport donne un plan de construction précis : un premier réacteur démarrerait en 2025 pour une entrée en service en 2035 puis un autre suivrait deux ans plus tard et ainsi de suite.
Le nucléaire, "un atout pour la France" selon Bruno Le Maire
"Ce n'est pas un rapport qui décide de la politique du gouvernement. Ce rapport apporte des éléments d'information sur des choix qui seront faits d'ici la fin de l'année", a réagi ce jeudi le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, sur Radio Classique. Tout en insistant sur le fait que le "nucléaire est un atout pour la France".
C'est une énergie qui a un "coût compétitif, qui n'émet pas de CO2 et c'est la troisième filière industrielle française, c'est des centaines de milliers de salariés, d'ouvriers, de compétences, de savoir-faire", a résumé le ministre de l'Economie. "Je ne crois pas qu'en France, il y ait une contestation fondamentale de l'atout que peut représenter le nucléaire à la fois pour les ménages et pour nos entreprises", a-t-il assuré.
Un sujet examiné à l'automne dans le cadre de la PPE
Le ministre de l'Economie appelle toutefois à la "sagesse". Dans le cas d’une relance de la construction de réacteurs, il préconise d’attendre que l’EPR de Flamanville, soit achevé avant de construire de nouveaux EPR. Celui-ci accuse en effet un fort retard et son coût a été multiplié par trois par rapport au budget initial. Le ministre souligne également que c’est la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui doit définir d'ici la fin de l'année le futur panachage énergétique de la France à horizon 2028.
Le sujet sera donc "examiné dans le cadre de la préparation de la PPE au cours de l'automne", a indiqué à l'AFP le ministère de la Transition écologique et solidaire.En juin dernier, un débat public avait été organisé pour recueillir les avis de la population sur les questions énergétique.
Un barrage à la transition énergétique ?
Au-delà de l'enjeu industriel, la France a-t-elle besoin de construire de nouveaux réacteurs pour sa consommation de courant, plutôt attendue stable ou en baisse à l'avenir ? Pour certains experts comme Matthieu Courtecuissse, président du cabinet Sia Partners, la construction de nouveaux réacteurs est "indispensable" même si la consommation est stable. Pour les acteurs des énergies renouvelables au contraire, cette logique bloque le développement des énergies alternatives.
"Même si la mise en œuvre de ses recommandations n’était que partielle, elle signerait l’arrêt de mort de la transition énergétique, détournant des sommes colossales des alternatives énergétiques et imposant la perpétuation du risque nucléaire", a de son côté déclaré Sortir du nucléaire, rappelant l'appel signé ce jeudi par dix ONG environnementales "à changer de cap".
Béatrice Héraud avec AFP