Publié le 04 août 2020

ÉNERGIE

Le premier réacteur nucléaire du monde arabe entre en service

Les Émirats arabes unis ont annoncé, le 1er août, la mise en service de leur premier réacteur dans la centrale de Barakah. Une première dans cette région du monde dont les besoins énergétiques ont été assurés historiquement par le pétrole et le gaz. Mais le démarrage de cette unité interroge alors qu’Abou Dhabi est en froid avec ses deux voisins le Qatar et l’Iran.

Centrale nucleaire de Barakah Qatar AIEA
Abu Dhabi a annoncé la mise en service de la première centrale nucléaire du pays.
@AEIA

Les Émirats arabes unis sont entrés, le 1er août, dans le club restreint des pays utilisant l'énergie nucléaire civile avec la mise en service de leur centrale de Barakah. C’est la première tranche du monde arabe. "Nous annonçons aujourd'hui que les Émirats arabes unis ont procédé, avec succès, à la mise en service du réacteur numéro un de la centrale de Barakah, la première du monde arabe", a tweeté cheikh Mohammed ben Rached al-Maktoum, Premier ministre des Émirats et souverain de Dubaï.

"C'est un moment historique pour les Émirats dans leur objectif de fournir une nouvelle forme d'énergie propre à la nation", a commenté Hamad Alkaabi, représentant des Émirats auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), saluant également le "succès" du démarrage de l'installation. L’exploitation est entre les mains à Nawah Energy Compagny.

Le premier des quatre réacteurs devait être mis en service fin 2017, mais la date de démarrage a été reportée à plusieurs reprises pour satisfaire, d'après les responsables, aux conditions légales de sécurité. Lorsqu'ils seront pleinement opérationnels, les quatre réacteurs auront la capacité de produire 5 600 mégawatts d'électricité, soit environ 25 % des besoins des Émirats arabes unis, pays riche en pétrole, mais qui souhaite conserver sa manne vers l’export.

Échec français

La centrale est construite par le sud-coréen Korea Electric Power Corporation (KEPCO), qui avait remporté le contrat en 2009. Une date de sinistre mémoire pour le nucléaire français. Un consortium tricolore pensait alors remporter sans difficulté cet appel d’offres de plus de 20 milliards de dollars. Mais arrivée en ordre dispersé et surtout sans EDF, la proposition française avait perdu face à un outsider asiatique. Cela avait déclenché une crise dans l’atome civil tricolore qui avait dû repenser son organisation.

La mise en service de ce réacteur survient dans une zone instable du monde mais les responsables émiratis ont insisté sur le caractère "pacifique" de leur programme nucléaire et assurent qu'il ne contient aucun volet militaire, dans un contexte de tensions régionales accrues. "Les Émirats restent attachés aux normes les plus élevées de sécurité et de non-prolifération nucléaires ainsi qu'à une coopération solide et continue avec l'Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) et les partenaires nationaux et internationaux", avait souligné en février Hamad Alkaabi.

Tensions régionales

Le pays a accueilli plus de quarante missions internationales et inspections de l'AIEA et de l'Association mondiale des exploitants nucléaires (WANO) depuis 2010. Mais le Qatar voisin considère la centrale de Barakah comme une "menace pour la paix régionale". Comme plusieurs de ses alliés, dont l'Arabie saoudite, Abou Dhabi est en froid diplomatique avec le Qatar, avec lequel il n'entretient plus de relations officielles depuis juin 2017.

Abou Dhabi entretient aussi des liens tendus avec Téhéran, par ailleurs lourdement sanctionné par la communauté internationale à cause de son programme nucléaire controversé jusqu'à la signature d'un accord avec les grandes puissances mondiales en 2015 à Vienne. Mais Washington s'est retiré unilatéralement de cet accord en mai 2018, rétablissant plusieurs trains de sanctions contre l'Iran. Ce dernier a en conséquence repris notamment l'enrichissement d'uranium en septembre 2019 sur son site de Natanz. Située sur la côte, Barakah n'est donc séparée de l'Iran, en face, que par les eaux du Golfe.

Ludovic Dupin avec AFP


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