Publié le 03 juillet 2014
ÉNERGIE
Fukushima : état des lieux d’un chantier à haut risque
Le site de la centrale Fukushima Daiichi est officiellement stabilisé depuis décembre 2011. Mais chaque jour, plus de 3 000 hommes luttent dans ce complexe atomique ravagé pour éviter une nouvelle catastrophe. Et préparer le démantèlement qui doit durer 40 ans.

© Tokyo Electric Power Company
11 mars 2011, 14 h 45 heure locale : un gigantesque tsunami déferle sur les bâtiments de quatre des six réacteurs du site. Alimentation électrique coupée, groupes électrogènes de secours noyés, systèmes de refroidissement hors service… les cœurs de trois réacteurs s’emballent et fondent. Ils n’explosent pas, mais des déflagrations d'hydrogène font voler les toits qui abritent les réacteurs 1 à 4 et percent celui du 2. D’énormes quantités de substances radioactives (iode 131, césium 134 et 137, strontium, etc.) sont libérées dans l’atmosphère. Une zone de plus de 20 km est évacuée. Après des mois de combat pour contenir le désastre, le site est officiellement déclaré stabilisé en décembre 2011, les six réacteurs placés en état dit "d'arrêt à froid". Où en est-on aujourd’hui ?
L'état des réacteurs
Les cœurs des réacteurs 1 à 3 étaient pleins, au moment de l'accident. Ils sont continuellement refroidis et ne constituent pas un danger immédiat. Mais leur surveillance est compliquée, car ils ne peuvent pas être approchés par les êtres humains, en raison des très forts niveaux de radioactivité qui y règnent. Or le dispositif de refroidissement reste à la merci d’une avarie, qu’elle soit causée par un nouveau séisme ou un tsunami, voire une coupure impromptue de courant : une vigilance permanente est nécessaire.
Le réacteur 1 a été recouvert d'une tenture spéciale qui limite le rejet de substances radioactives. Le 2 est en apparence quasi intact mais intérieurement dévasté. Le 3, qui a subi de très gros dommages, a été déblayé des débris de ferraille qui le recouvraient après l'explosion d'hydrogène survenue lors de l’accident. Le 4, dont le cœur était vide à ce moment-là, a été partiellement coiffé d'un nouveau bâtiment qui abrite un dispositif d'extraction du combustible de la piscine de désactivation. Les réacteurs 5 et 6, plus à l'écart, ont été moins endommagés et sont aussi en état d'arrêt à froid.
On ignore, et pour longtemps encore, où s’est écoulé le combustible fondu. Parmi les pistes évoquées : le fond de l'enceinte de confinement en métal ou le béton de l'enceinte de confinement secondaire. Des examens sont régulièrement pratiqués pour recueillir des informations.
L'état des piscines de désactivation du combustible usé
Les piscines de désactivation de tous les réacteurs sont en permanence refroidies et leur température maintenue dans une fourchette de 23 à 26 °C. Le plus grand danger concerne la piscine 4 qui contenait 1 535 assemblages de combustibles (dont 1 333 usés) au moment de l'accident. Il est en passe d'être écarté, l'extraction des assemblages est aux trois quarts réalisée. Ils sont ensuite entreposés pour au moins 10 ans dans une piscine commune sur le site. Mais les techniciens de la compagnie Tokyo Electric Power (Tepco) repoussent au dernier moment le retrait des assemblages les plus radioactifs. Les autres piscines (1 à 3) contiennent elles aussi du combustible usé qu'il va falloir extraire et stocker ailleurs dans les années à venir.
L'eau contaminée et le système de décontamination
Les bâtiments des réacteurs 1 à 4 regorgent chacun de 14 000 à 22 000 m3 d'eau contaminée. Elle provient des arrosages des réacteurs et s'est accumulée dans les sous-sols des bâtiments à cause de fuites dans les réacteurs eux-mêmes.
Quelque 366 000 m3 d'eau contaminée sont stockés dans plus d’un millier de réservoirs dispersés sur le site. Chaque mois, une quarantaine de nouveaux réservoirs sont construits pour faire face au flux continu de liquide souillé. Problème : ils ne sont pas tous fiables. Une grosse fuite a déjà eu lieu il y a quelques mois.
S'y ajoutent 93 000 m3 passés dans le système de décontamination censé retirer une soixantaine de radionucléides. Ce dispositif, normalement conçu pour traiter 750 m3 par jour, tombe très régulièrement en panne. Un deuxième, plus robuste sur le papier, doit être mis en place dans les prochains mois.
Des flux continus d'eau souterraine provenant de l'amont de la centrale s'infiltrent tous les jours dans les installations. Cela crée un surplus quotidien de quelque 400 m3 que la compagnie Tepco tente de réduire. 12 pompes ont été installées pour extraire une partie de cette eau avant qu'elle ne soit souillée au contact du liquide stagnant dans les bâtiments. Elle est contrôlée, puis rejetée en mer si elle est considérée comme saine. Mais certaines fuites d’eau, non maîtrisées, persistent en sous-sol et répandent dans l'océan Pacifique voisin des éléments radioactifs.
Tepco tente, avec peine, de geler l'eau stagnante ultra-radioactive contenue dans des tranchées souterraines et prépare la construction tout autour de la centrale d'un “mur de glace” pour contenir les flux d'eau en amont et en aval des réacteurs.