Publié le 19 octobre 2018
ÉNERGIE
[Décryptage] Emmanuel Macron prend en main la programmation pluriannuelle de l’énergie… et ça ne plaira pas aux anti-nucléaires
Dans quelques jours, le gouvernement doit remettre sa feuille de route sur l’énergie, la fameuse programmation pluriannuelle de l’énergie. L’objectif est ambitieux : il s’agit de donner des orientations nationales jusqu’en 2028. Après des retards et les péripéties au ministère de la Transition énergétique, Emmanuel Macron va prendre en charge ce dossier délicat, qui devrait, au moins à court terme, préserver la place du nucléaire.

@Élysée
Le gouvernement s’apprête à faire face à une controverse difficile. Fin octobre ou début novembre – avec trois mois de retard – le gouvernement doit révéler sa feuille de route énergétique, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), jusqu’en 2028. Et il est certain que, quelles qu’en soient les conclusions, elle générera essentiellement des mécontents.
Certains y verront un renoncement à l’objectif de réduire la part du nucléaire comme prévu dans la loi de transition énergétique de 2015, d’autres expliqueront que les choix sont néfastes pour le climat, beaucoup argueront que les énergies renouvelables n’ont pas leur juste place, quelques-uns essaieront d’expliquer que le gaz et le gaz vert ont été oubliés, etc.
Quadrature du cercle
Le nouveau ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a relativement bien décrit la difficulté de cet exercice. Il explique qu’il s’agit de "Réduire la dépendance au nucléaire, lutter contre le dérèglement climatique, diversifier (le mix) grâce aux énergies renouvelables". Puis il ajoute qu’il faudra aussi tenir compte de "la sécurité d'approvisionnement électrique" et de "la maîtrise du juste prix pour le consommateur et pour le producteur".
Qui trop embrasse mal étreint, dit la sagesse populaire. Plusieurs de ces objectifs sont intrinsèquement incompatibles. C’est peut-être pourquoi Emmanuel Macron semble vouloir recadrer la PPE. Mercredi 24 octobre, il réunira à l’Élysée une trentaine d'entreprises et organismes de recherche. Le chef de l'État a notamment convié Patrick Pouyanné (Total), Jean-Bernard Lévy (EDF), Isabelle Kocher (Engie), Philippe Varin (Orano, ex-Areva), Xavier Huillard (Vinci) ou encore Martin Bouygues (Bouygues).
Pas de priorité donnée au rééquilibrage du mix
L’Élysée explique que cette réunion portera sur "la réduction des émissions de CO2 liées à la consommation d'énergie, la maîtrise de la facture énergétique des Français, le made in France des nouvelles solutions énergétiques bas-carbone et les enjeux de souveraineté liés à l'énergie".
Comprendre : la priorité n’est pas le rééquilibrage du mix électrique cher aux anti-nucléaires, mais le climat et la sécurité d’approvisionnement. Des rumeurs insistantes venues du gouvernement indiquent qu’aucun autre réacteur nucléaire, mis à part les deux de Fessenheim (Haut-Rhin), ne devrait fermer avant 2029, comme le propose EDF. Même si la hausse des renouvelables électriques est bien aussi au programme.
S’appuyer sur le rapport du GIEC
Mettre l’accent sur la stratégie bas-carbone et le statu quo nucléaire est assez facile à justifier après l’alerte du GIEC, le 22 octobre dernier, sur l’urgence absolue de changer de modèle. Les experts climat de l’ONU présentent quatre scénarios dans son rapport final, qui tous prévoit une hausse de la part du nucléaire. À l’échelle planétaire, ce dernier compte pour 4,9 % de l’énergie et 10,6 % de l’électricité mondiale.
Si tel est bien la trajectoire de la PPE gouvernementale, les réactions seront houleuses. "Nous avons le sentiment que le débat est entièrement confisqué par les pro et les antinucléaires", assure Didier Holleaux, directeur adjoint d'Engie. Pour lui, les questions d'efficacité énergétique, de pointes de consommation - qui sollicitent des centrales à charbon ou à gaz - ou de développement de réseaux de froid ne sont pas assez abordées. Et il a parfaitement raison.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin