Publié le 26 octobre 2019
ÉNERGIE
[À l’origine] L’EPR, la naissance difficile d’un réacteur nucléaire pensé pour rapprocher la France et l’Allemagne
L’EPR a été pensé comme un grand projet franco-allemand marquant l’alliance des deux pays après la chute du mur de Berlin. Mais l’entente entre Framatome et Siemens sera difficile alors que l’Allemagne va peu à peu s’éloigner de l’atome et que la filière nucléaire française va se déchirer.

Premières fondation de l'EPR de Flamanville en 2007.
Depuis plusieurs années, l’EPR empoisonne la vie d’EDF et d’Areva. Ce réacteur nucléaire de troisième génération fonctionne en Chine. Mais deux unités, l’une en Finlande et l’autre en France, sont devenues des gouffres financiers, accusant plus de 10 ans de retard sur leur construction. Pour comprendre les difficultés de mise en route de ce réacteur nucléaire, il faut remonter à ses origines, au début des années 1990.
À l’époque, l’Allemagne réunifiée devient la meilleure alliée de la France. Le Président François Mitterrand veut symboliser cette union à travers un grand projet industriel international, comme le fut Airbus auparavant. Une certaine Anne Lauvergeon, alors Sherpa du chef de l’État et future PDG d’Areva, lui souffle l’idée de la construction commune d’un nouveau réacteur à la pointe de la technologie.
Le timing est parfait, l'idée séduit. La France est en train de terminer son parc de 58 réacteurs (la dernière unité entrera en fonction en 2002). Elle doit penser la génération de remplacement et aussi miser sur l’export afin de valoriser cette expérience technologique française. Ainsi naît le concept de l’EPR. Il doit être développé par Framatome côté français et Siemens côté Allemand. Ce sera un monstre de puissance de 1650 MW, plus que tout ce qui existe. Il garantira également une sûreté maximale en prenant le retour d’expérience de l’accident de Tchernobyl survenu en 1986.
Souci de part et d’autre du Rhin
Sur le papier, c’est idéal. Mais des données vont compliquer. D’une part, les ingénieurs EDF ont déjà un réacteur dans les cartons : le REP 2000, de conception 100 % française et enrichi de 30 ans d’expérience. Déjà très avancé dans son développement, les ingénieurs français auront du mal à faire le deuil de leur produit. D’autant plus que le design du nouvel EPR, qui embarque des technologies françaises et allemandes, sera extrêmement compliqué à finaliser.
D’autre part, au début des années 2000 le chancelier Gerhard Schröder annonce la sortie progressive de l’Allemagne du nucléaire. Une telle perspective conduira Siemens à s’éloigner du projet. Un éloignement encore accentué par la création d’Areva en 2001. En 2009, Siemens se désengage complètement du projet.
L’EPR sera enfin au centre d’une guerre entre Areva et EDF, tous deux voulant devenir chef de file du nucléaire en France. Le premier chantier lancé en 2003 en Finlande par Areva seul va rapidement s’embourber alors que la filière n’est pas mobilisée derrière ce qui aurait dû être la vitrine du savoir-faire français.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin